Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

La cosmologie relativiste.

Comme dans le livre de la Genèse ou comme dans le prologue de Jean, tout commence ici avec la lumière. Qu'est-ce que la lumière ? Une infime particule énergétique répondent Newton et Einstein. Une onde électromagnétique rétorquent Huygens, Fresnel et Maxwell. Alors ? Particule ou onde ? On le verra, ce débat est au cœur de la formation de la théorie quantique.

Pour l'heure (nous sommes à la fin du 19ème siècle), c'est la solution "onde électromagnétique" de Maxwell qui prime ; Einstein n'a pas encore relancé l'hypothèse particulaire qu'il ressuscitera pour expliquer l'effet photoélectrique.

Mais qui dit "onde" dit "support". En effet, sans air qui puisse vibrer, aucun son n'est possible. Quel pourrait donc être ce "support" pour la lumière dans le vide ? La réponse en vogue à la fin du 19ème siècle porte un nom : l'éther … qui serait une matière quasi immatérielle qui remplirait le vide intersidéral et qui serait tellement fluide, qu'elle n'interférerait nullement avec la matière "normale".

 

Et l'on voudrait bien, à l'époque, connaître les propriétés de cet éther et pour ce faire, mesurer des variations de la vitesse de la lumière dans diverses circonstances afin d'en percer les secrets. Les expériences décisives furent celles de Michelson et Morley. Le résultat fut sans appel et totalement destructeur : l'éther n'existe pas et la célérité de la lumière, quelle que soit la manière dont on la mesure, a toujours la même valeur c (environ 300.000 km/sec).

 

Ce résultat est choquant car il fait s'effondrer toute la cinématique galiléenne et, par suite, toute la dynamique newtonienne. En effet, cette cinématique repose sur la loi d'addition des vitesses qui est de simple bon sens : si je marche à 5 km/h vers la locomotive dans un train lancé à 60 km/h, l'observateur fixe sur le quai mesurera ma vitesse et trouvera : 60 + 5 = 65 km/h.

C'est l'évidence même … sauf pour la lumière. Un observateur immobile mesurera la célérité c de la lumière et trouvera 300.000 km/sec ; mais un autre observateur lancé à 100.000 km/sec par rapport au premier, mesurera aussi que c vaut 300.000 km/sec.

Cela signifie que la loi d'addition des vitesses est une approximation acceptable dans notre monde mésoscopique, mais qu'aux vitesses gigascopiques proches de celle de la lumière, cette approximation s'effondre. La vitesse de la lumière est une vitesse limite indépassable : à cette vitesse-là, plus rien ne subsiste, tout devient lumière dans la lumière. Il n'y a plus ni observateur, ni instrument, ni mesure ; il n'y a plus rien d'autre que de la lumière dans la lumière pour la lumière. Plus rien d'autre n'existe : la lumière est devenue un absolu indépassable, un absolu absolument indépassable.

 

La vision de la relativité restreinte.

 

La longueur est la mesure d'une distance spatiale entre deux objets. La durée est la mesure d'une distance temporelle entre deux événements.

La physique de Newton se représentait dans un espace-temps galiléen où il était sous-entendu que la mesure d'une distance (d'une longueur ou d'une durée) était absolue c'est-à-dire ne dépendait aucunement de l'état du dispositif de mesure (de sa vitesse ou de son niveau énergétique, par exemple).

Ce qu'Einstein découvre en s'appuyant sur les travaux de Hendrik Lorentz et d'Henri Poincaré, c'est que cette option galiléenne est fausse. Il découvre que si l'on veut (et on le doit) assumer le fait que la vitesse de la lumière soit une constante absolue ne dépendant pas du tout de l'état du dispositif de mesure, il est impératif que ce soit le contraire pour toutes les autres mesures quelles qu'elles soient : la mesure d'une distance dépend de l'état du dispositif de mesure.

Si la vitesse de la lumière (c) est un absolu, alors toutes les mesures sont relatives. Si les mesures sont absolues alors la vitesse de la lumière est relative. Il faut choisir. Et les expériences de Michelson et Morley sont formelles : c'est la vitesse de la lumière qui est absolue !

 

Considérons trois ensembles : une source et deux dispositifs de mesure, l'un fixe par rapport à la source et l'autre en mouvement relatif par rapport aux deux autres (disons qu'il s'éloigne de la source, par exemple). Les deux dispositifs d'observation sont censés mesurer une distance (longueur ou durée, peu importe) caractérisée par un signal de début et un signal de fin. Considérons que ces signaux soient des tops lumineux se propageant dans le vide.

Le signal de début ne sera pas reçu simultanément par les deux dispositifs du simple fait qu'ils ne sont pas au même endroit. Mais, du fait de son mouvement, le signal de fin reçu par le dispositif qui s'éloigne, sera reçu bien après sa réception par le dispositif fixe. La mesure de la distance séparant la réception de ces deux signaux ne sera donc pas la même pour chacun des deux dispositifs de mesure.

Ces deux mesures différentes du même phénomène ont un rapport entre elles et ce rapport peut être calculé par ce qu'il est convenu d'appeler la transformation de Lorentz qui inclut la vitesse relative des deux dispositifs et la vitesse des signaux (en l'occurrence, la célérité c de la lumière). Cette transformation de Lorentz permet de transposer les mesures faites dans un référentiel particulier (le dispositif fixe, par exemple) et de calculer le résultat des mesures équipollentes faites dans un autre référentiel particulier (le dispositif mobile, dans notre exemple).

 

Qu'est-ce que cela signifie ?

Cela signifie que, si la même distance est mesurée par deux dispositifs de mesure qui n'évoluent pas à la même vitesse (qui n'ont donc pas le même niveau énergétique), les deux mesures seront différentes et que leur différence dépendra de la vitesse relative des deux dispositifs.

Cela signifie encore que plus la vitesse du dispositif de mesure s'approche de celle de la lumière, plus l'espace se contracte et plus le temps se dilate. Et, à la vitesse de la lumière : toutes les distances spatiales (les longueurs) deviennent nulles et toutes les distances temporelles (les durées) deviennent infinies.

 

Ce qu'il faut retenir, c'est que toute mesure est une interaction entre un dispositif d'observation et un événement, et que le résultat de cette mesure dépend, bien sûr, de l'évènement lui-même, mais aussi de l'état énergétique du dispositif de mesure. Cette influence du dispositif mesureur sur le résultat de la mesure est négligeable dans notre monde mésoscopique, mais il devient prépondérant lorsque l'on passe du monde macroscopique au monde gigascopique (en pratique, lorsqu'on atteint des vitesses proches de la célérité de la lumière). On verra, dans le cadre de la théorie quantique, qu'il en va de même lorsqu'on passe du microscopique au nanoscopique : l'influence du dispositif mesureur sur le résultat de la mesure sera aussi prépondérant.

Cela signifie, comme déjà indiqué précédemment, que plus on s'éloigne du mésoscopique, plus les "preuves" expérimentales perdent de la valeur jusqu'à devenir insignifiantes.

 

Il faut encore brièvement parler d'une autre retombée de la théorie restreinte de la relativité. Celle de l'équivalence de la masse matérielle et de l'énergie. C'est le célèbre E = m.c² …

Cette équation dérive mathématiquement de l'invariance du vecteur énergie-impulsion dans la transformation de Lorentz. Mais peu importe ici.

Ce qu'il faut en retenir, c'est cette équivalence troublante entre la masse matérielle qui désigne une quantité de matière, et une quantité d'énergie qui désigne un taux d'activité. Si la matière est de l'énergie et si l'énergie est de l'activité, cela signifie que la matière est de l'activité qui, elle, est immatérielle. Donc la matière est immatérielle … C'est aussi à cette conclusion qu'aboutira la théorie quantique des "particules élémentaires".

 

La vision de la relativité généralisée.

 

La notion de masse est ambigüe.

D'une part, il y a la masse inertielle qui mesure la capacité de résistance d'un corps aux influences externes (aux Forces, quelles qu'elles soient) : plus la masse inertielle est grande, plus la torsion de sa trajectoire demande une Force puissante.

D'autre part, il y a la masse gravifique qui mesure la sensibilité d'un corps à l'action de la Force gravitationnelle : plus la masse gravifique d'un corps est grande, plus la gravitation exerce sur lui une Force puissante.

Résistance (l'antagonisme) et sensibilité (l'attraction) semblent des concepts opposés l'un à l'autre.

Le paradoxe qu'Einstein comprend, est que la physique newtonienne affirme (et l'expérience le prouve) que ces deux masses d'un même corps, sa masse inertielle et sa masse gravifique, sont rigoureusement identiques[1]. Pourquoi ?

Comment se peut-il que résistance et sensibilité deviennent synonymes ?

 

Einstein raisonne : plaçons un passager en suspension au centre d'une cabine fermée dans l'espace intersidéral et tentons deux expériences :

  • la première : on accroche la cabine à une fusée qui accélère au-dessus d'elle : le passager sera plaqué au sol du côté opposé à la fusée qui tire.
  • la seconde : plaçons une grosse masse de matière au-dessous de la cabine : le passager sera aussi plaqué au sol du côté de la grosse masse qui attire.

Si l'accélération de la fusée et la masse attractive sont bien calculées, il sera impossible, au-dedans de la cabine de distinguer accélération et gravitation : les deux effets seront rigoureusement identiques. Cette conclusion intrigue profondément Einstein.

 

Une autre particularité intrigue Einstein. Qu'est-ce qu'une ligne droite dans la réalité ? La question est d'importance car toute la physique, depuis Galilée, utilise un référentiel de représentation fait d'un espace géométrique à trois dimensions rectilignes et d'un axe rectiligne du temps. Cet espace-temps rectiligne est dit euclidien (du nom du fondateur grec de la géométrie : Euclide d'Alexandrie ayant vécu vers 300 avant l'ère vulgaire).

Or "rectiligne" signifie "en ligne droite". Et Einstein redemande : " Qu'est-ce qu'une ligne droite dans la réalité ?"

 

Ce "dans la réalité" est essentiel. Einstein est obsédé par l'impératif de faire de la physique réelle liée à la réalité du Réel. Il ne veut plus des idéalisations et des simplifications imposées par les mathématiques. Il veut coller à la réalité du Réel. Il l'a déjà montré en ayant le toupet d'accepter et d'assumer ce que tous ses contemporains refusaient en 1905 : la constance absolue de la célérité de la lumière … car ça, c'est la réalité du Réel, que cela plaise ou non aux modélisations mathématiques anciennes. Si la théorie ne "colle" plus à la réalité, c'est la théorie qu'il faut jeter aux orties.

 

Qu'est-ce qu'une ligne droite dans la réalité ? Ce qui s'approche le plus de l'idéalisation mathématique, c'est le rayon de lumière. La lumière avance tout droit devant elle. Elle est la matérialisation la meilleure de la ligne droite. Et dans notre monde mésoscopique, le rayon de lumière est une parfaite ligne droite qui permet de viser quoique ce soit avec précision.

Mais dans le monde gigascopique, il n'en va plus de même : les rayons lumineux, parce qu'ils ont une masse (même infime), sont déviés (même infimement) par les grosses masses matérielles qu'ils frôlent. C'est un pur et simple effet de la gravitation.

Il faudrait en conclure, donc, que la ligne droite n'existe pas dans l'univers réel, puisque le rayon lumineux en était la meilleure matérialisation et qu'il se courbe parfois.

 

Einstein inverse la proposition. Il définit la ligne droite comme étant le rayon lumineux, que celui-ci dévie ou non. Ce faisant, il quitte la géométrie euclidienne (où les droites sont droites et non courbes) et les référentiels galiléens (qui utilisent cette géométrie euclidienne). Il crée une nouvelle géométrie pour l'univers réel. Cette géométrie est dite riemannienne du nom du mathématicien allemand Bernhard Riemann (1826-1866). Ce qui différentie la géométrie euclidienne de la géométrie riemannienne, c'est leur métrique c'est-à-dire, en chacun de leurs points, le rapport entre les unités de mesure des longueurs et des durées (des distances donc). Pour la géométrie euclidienne, ces rapports sont toujours constants et égaux en quelque point que l'on se trouve. Pour la géométrie riemannienne, ces rapports ne sont pas égaux entre eux en un point et ils varient d'un point à l'autre.

 

Einstein opte résolument pour une géométrie riemannienne car il se souvient de sa théorie de la relativité restreinte qui disait, contre le "bon sens" galiléen, que les unités qui servent à mesurer les distances varient en fonction de la vitesse du dispositif de mesure : à la vitesse de la lumière, l'unité de longueur devient nulle et l'unité de durée devient infinie. Déjà, les unités de mesure n'étaient plus fixes et étaient devenues variables. Einstein généralise (d'où le nom de "relativité générale" ou de "relativité généralisée") l'idée : dans l'univers réel, les rapports entre les unités de mesure (la métrique, donc) varient entre eux en chaque point et varient d'un point à l'autre. La géométrie de l'univers réel est donc bien riemannienne dès lors que l'on identifie la notion de ligne droite avec la réalité du rayon de lumière.

 

Et Einstein va encore plus loin.

Question : pourquoi donc la métrique du Réel varie-t-elle de points en points ?

Réponse : parce que les rayons lumineux (qui "sont" les lignes droites du Réel) se courbent.

Question : et pourquoi les rayons lumineux se courbent-ils ?

Réponse : à cause de la gravitation due aux masses disséminées dans l'univers.

Et là, Einstein ose le tout pour le tout, mais avec un bon sens et une simplicité désarmants :  si la métrique réelle est riemannienne à cause de la gravitation, c'est donc que cette métrique EST la gravitation ! Et cette métrique représente fidèlement la répartition des masses au sein de l'univers. Cette métrique sera d'autant plus courbe que la concentration des masses sera plus forte (au centre des galaxies, par exemple). Et, à l'inverse, cette métrique sera d'autant plus plate (plus euclidienne) que l'on évoluera dans le grand vide intergalactique.

Dans notre monde mésoscopique, la gravitation est relativement faible, donc la métrique est quasi-euclidienne.

 

Il reste à présent à Einstein a lié ses deux regards : celui sur l'identité de la masse inertielle et de la masse gravifique, d'une part, et, d'autre part, celui sur l'identité de la métrique et de la gravitation.

L'identification est "simple" : la métrique locale exprime la masse inertielle et la gravitation locale exprime la masse gravifique, et ces deux masses sont égales. CQFD.

 

Nous sommes le 2 décembre 1915 ! L'Académie royale des sciences de Prusse publie le mémoire sur lequel Einstein a travaillé depuis 1907 (deux ans après l'année mirifique de 1905 et la publication des quatre articles sur la relativité restreinte, l'effet photoélectrique, le mouvement brownien et l'équivalence de la masse et de l'énergie) jusqu'en ce 25 novembre 1915 où il achève son manuscrit et le dépose à l'Académie.

 

Einstein mourra en 1955. Qu'a-t-il donc fait pendant les quarante années qui séparent 1915 de 1955 ? Il a tenté, surtout, de généraliser la relativité générale et de géométriser non seulement le champ gravitationnel, mais aussi le champ électromagnétique. Ce fut un immense échec et ce projet est aujourd'hui abandonné pour des raisons que l'on comprendra plus tard.

 

En revanche, la relativité générale s'est révélée d'une fécondité cosmologique extraordinaire. Au point, d'ailleurs, que la vision générale et globale de l'univers qui en découle, s'appelle aujourd'hui le "modèle standard cosmologique" (et fait face au "modèle standard particulaire" dont nous parlerons au chapitre suivant).

 

Einstein aboutit à l'écriture d'une équation cosmologique qui semble indiquer un univers en évolution. Einstein n'en veut pas. Il modifie son équation en y ajoutant une "constante cosmologique" qui permet de retrouver un univers statique, fidèle à sa vision aristotélicienne. Einstein appellera cette modification équationnelle : "la plus grande erreur de ma vie".

Pourquoi ?

Parce qu'un jeune physicien russe du nom d'Alexander Friedman (1888-1925) reprit les équations d'Einstein qu'il développa sans la constante cosmologique, donc dans la logique évolutionnaire. Mort prématurément, ses travaux furent complétés par ceux du belge Georges Lemaître et du russo-américain George Gamow, et aboutirent à la théorie de l'univers en expansion … démontrée expérimentalement par l'astronome Edwin Hubble qui a pu mesurer la vitesse d'éloignement mutuel des galaxies. Tout cela donna ce que Fred Hoyle a appelé, par moquerie, la "théorie du big-bang".

 

Pour le plaisir de l'anecdote, il faut dire que la constante cosmologique honnie a été réintroduite dans le modèle standard cosmologique pour corriger la vitesse théorique d'expansion de l'univers qui, sinon, serait trop grande par rapport à la réalité … Ironie de l'histoire des idées et des sciences.

 

Spiritualisation de la relativité.

 

Quels sont les points marquants qu'il faut maintenant regarder du point de vue de la spiritualité ?

 

Il y en a trois, me semble-t-il :

  • Le mur de la lumière est absolu et la masse matérielle est de l'énergie.
  • L'impact du mesurage sur la mesure.
  • L'évolution de l'univers.

 

Examinons-les.

 

Le mur de la lumière est absolu et la masse matérielle est de l'énergie.

 

J'ai assemblé ces deux points marquants parce qu'ils parlent tous deux d'énergie. La lumière, c'est de l'énergie sous la forme la plus fluide possible. La matière, c'est de l'énergie sous une forme encapsulée.

Dans les deux cas, il s'agit d'activité :

  • Dissipative pour la lumière ou le mouvement.
  • Concentrative pour la matière.

La lumière est la forme extrême du mouvement ; elle est le mouvement ultime. Aucun mouvement, aucune énergie ne sont possibles au-delà d'elle.

La matière comme la lumière sont des manifestations tangibles d'une activité intangible sous-jacente et antérieure, fondatrice, que l'on pourrait appeler la Vie cosmique.

C'est la Vie qui engendre la Matière pour s'y incarner, et non l'inverse.

De plus, le mur de la lumière nous dit que cette Vie, que cette activité cosmique, ont une limite. Que l'infini est hors de la réalité du Réel. Dans le Réel, rien n'est infini. Et, par symétrie, dans le Réel, rien n'est nul. Tout est étant (non-néant) et tout est fini (non-infini).

Le vide n'est donc pas vide. Il est activité pure, intangible, immatérielle. La matière, le mouvement et la lumière n'en sont que des manifestations tangibles.

 

L'impact du mesurage sur la mesure.

 

Allons d'emblée à la conclusion de ce point déjà discuté à plusieurs reprises. Plus on s'éloigne du mésoscopique, plus on entre dans le nanoscopique et le gigascopique, plus on s'approche de l'essentiel (le Tout-Un et son Fondement), moins l'empirisme et les démarches expérimentales ont de valeur. Pour le dire métaphoriquement : le Divin (ou l'Ultime, comme on voudra) n'est pas expérimentable, ni dans sa transcendance, ni dans son immanence.

Certes, il n'est pas expérimentable, mais est-il malgré tout connaissable ?

C'était déjà le débat entre le criticisme kantien (qui deviendra positivisme) et le gnosisme romantique.

C'était aussi tout le débat entre Einstein (l'ontologique) et Bohr (le phénoménologique).

Y a-t-il du connaissable au-delà de l'expérimentable ?

L'intuition, autrement dit, peut-elle être fiable en matière de connaissance ?

Car c'est bien d'elle qu'il s'agit, c'est bien elle qui nous murmure ses visions, ses illuminations, ses fulgurances, c'est bien elle qui, au-delà du langage des mots (analytiques et conceptuels), nous parle en langage des images (holistiques et visuelles).

L'intuition qui nous inspire, n'est rien d'autre - mais c'est énorme - qu'une résonance entre un esprit humain et l'Esprit cosmique, le Logos, l'Ordre des mondes. Cette résonance existe : chacun a pu l'expérimenter au moins une fois dans sa vie. Mais est-elle fiable ? Et pourquoi ne le serait-elle pas ?

Il est évident que, comme toutes les autres facultés mentales, l'intuition, pour être efficiente et fiable, doit être exercée, développée, approfondie, pratiquée. Ses messages doivent bien sûr être confrontés à tout le reste et n'être pris en considération que s'il en sort une cohérence convenablement accrue.

A ces conditions, l'intuition peut et doit être prise au sérieux. Et, qu'on le veuille ou non, cette prise au sérieux de l'intuition, cela s'appelle la Foi … qui n'est en rien une croyance. On n'a pas la Foi ; on donne Foi à quelque chose, à un principe, à une vision cosmologique, à une illumination spirituelle …

 

L'évolution de l'univers.

 

Le fait que l'univers soit évolutionnaire, est la découverte la plus importante de toute la modernité. Ce fait est aussi le plus déconstructeur de la civilisation christiano-idéaliste qui était tout entière construite sur l'immuabilité platonicienne des Idées et de Dieu.

Si l'on prend une attitude moniste ou panenthéiste, comme le fit Spinoza, par exemple, avec son "Deus sive Natura"[2], et que l'on admet la théorie de l'évolution universelle (donc divine), une kyrielle de questions fondamentales jaillit.

 

Toutes ces questions, au fond, se réduisent à une seule : pour-quoi le Réel (Dieu, Univers, Tout, …) évolue-t-il ?

Au contraire de ce que croit l'idéalisme tant grec que chrétien, s'il évolue, c'est qu'il n'est pas achevé, qu'il n'est pas parfait, c'est qu'il est en marche. Mais vers quoi ? Et pourquoi ? Et pour quoi ?

Quel est la moteur profond de l'évolution du Réel ?

La réponse à cette question épineuse est au centre du changement de paradigme cosmologique que nous commençons à vivre et qui sera abordé dans la dernière partie de ce livre.

*

[1] L'équation de Newton donne : m.a = g.m.M/d² … où le m de gauche est la masse inertielle du corps concerné et le m de droite est la masse gravifique du même corps.

[2] "Dieu, autrement dit la Nature"