Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Changement des modèles économiques.

Et si l'on sortait des confusions savamment entretenues par ceux qui combattent le libéralisme et le capitalisme auxquels ils ne comprennent rien, au nom d'utopies invivables et non viables. Et si l'on remettait un peu d'ordre dans les mots …

Il faudra bien, un jour, penser la différence fondamentale qui existe entre une économie de la propriété et une économie de l'usage. La propriété permet l'usage, mais ne l'implique pas forcément. Asymétriquement, l'usage n'implique aucunement la propriété. L'acte d'appropriation est une acte d'anticipation : posséder – donc avoir à sa disposition à tout moment – ce dont on pourrait, un jour, peut-être, avoir utilité et faire usage.

Depuis bien longtemps, la propriété a un caractère sacré, mais cette propriété était essentiellement familiale et non individuelle. C'est la modernité qui a inventé la propriété privée personnelle.

L'acte d'appropriation est corrélé à l'idée de rareté : ce qui est rare est convoité afin que son propriétaire puisse être sûr de l'avoir sous la main en cas de besoin. Ce qui est pléthorique n'appelle aucunement le besoin d'appropriation.

 

Mais dès lors que l'on passe d'une économie matérielle (où la rareté est liée à l'objet) à une économie immatérielle (où la rareté est liée au talent de celui qui produit l'idée) la notion d'appropriation perd de son sens : on ne peut pas s'approprier l'esprit de quelqu'un, au contraire de ses biens.

Cela signifie qu'une économie immatérielle devient, forcément, une économie de l'usage.

C'est cette transition que nous sommes en train de vivre aujourd'hui …

 

On a dit et répété que la notion de propriété était au fondement même du capitalisme. Rien n'est plus faux. Le capitalisme est un mode de financement d'un projet et implique un droit de jouissance d'une part des profits que le risque capitalistique a permis d'engendrer.

Le fait que, communément, celui qui finance (et assume donc le risque de l'entreprise), devienne propriétaire de ce qui est financé, n'est nullement une implication logique nécessaire.

Le fait de financer ne donne, on l'a vu, qu'un droit sur une part des profits, mais n'implique nullement la propriété de ce qui est financé. Bien au contraire, aujourd'hui, une entreprise fait des profits bien plus du fait des talents immatériels de ses dirigeants que du fait des investissements matériels permis par le financement.

La notion de "capitalisme" n'est concernée que par celle de financement et non par celle de management.

Une entreprise doit appartenir majoritairement à ceux qui la pilotent et non à ceux qui la financent (même si ceux-ci, à mesure du risque réel qu'ils prennent, peuvent avoir un certain droit de regard et de parole, mais non de décision).

Pour le dire d'une phrase, nous passons d'une économie de l'argent à une économie du talent !

 

L'argent n'est qu'un amplificateur de talent, mais ne le remplace jamais.

L'argent finance les investissements nécessaires pour que les talents puissent engendrer de meilleurs profits afin de rémunérer toutes les ressources utilisées, dont l'argent.

 

L'équation est :

 

P=(K+R).T

 

où P est le profit (engendré par la vente d'une propriété ou d'un droit d'usage), où T est le talent de pilotage, où K est le capital de financement et où R est l'ensemble des autres ressources mises en œuvre.

On note que si T=0, alors P=0, mais aussi que si K=0, alors P=R.T < (K+R).T

 

Cette équation, quelque simpliste et symbolique soit-elle, permet, enfin, de découpler radicalement finance (financement) et économie (pilotage d'entreprises), argent et talent.

Et, sous nos yeux, l'économie est en train de devenir, de plus en plus majoritairement, une économie de l'usage (et non de la propriété) et une économie immatérielle (ce sont les idées qui sont rares, et non plus les objets).

 

Marc Halévy - Le 24/01/2021