Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Méditation ontologique

L'Être et le Devenir … comme toujours !

Dans le Réel, rien n'est infini et rien n'est permanent. Il n'y a pas de constantes universelles, il n'y a aucune loi stricte de conservation.

Tout est limité, dans toutes les dimensions envisageables.

Tout est en transformation incessante.

Il n'y a pas d'Être, il n'y a que du Devenir.

 

Rien dans le Réel n'est (comme en espagnol avec ser) : le verbe "être" ne doit être utilisé que comme copule c'est-à-dire pour exprimer une équivalence (ce livre est un roman), un jugement (ce livre est profond), un attribut (ce livre est lourd), etc … 

Mais tout dans le Réel existe (comme en espagnol avec estar) c'est-à-dire "se tient" (du latin stare) en "dehors" (du latin ex) : tout est émanation, expression, manifestation, émergence.

Toutes les métaphysiques de l'Être se sont construites à la recherche d'un noyau de permanence absolue : un Dieu créateur parfait (la version idéaliste) ou une Matière irréductible (la version matérialiste). Il s'agissait de faire du Devenir une modalité accidentelle, superficielle et contingente de l'Être. Il n'en est rien.

 

Le Réel est un processus dont la logique profonde, elle-même, - ce qu'il y a de moins impermanent en lui - évolue.

Quelque chose n'est apparemment et approximativement constant ou permanent, qu'entre deux bifurcations ; cette permanence apparente  n'indique, en fait, qu'une évolution extrêmement lente.

 

Tout cela signifie que, en-deçà de l'ontologie et au cœur de l'anthropologie, "l'être humain", si cher aux humanistes et aux droit-de-l'hommiste, cela n'existe pas. Il n'existe que des existants humains, locaux et éphémères. Il existe des humains ; mais aucun d'eux n'est l'homme ; l'Homme ni n'est, ni n'existe.

Chaque humain n'est qu'une émanation, un épiphénomène, unique et différent, irréductible aux autres, d'un Devenir qui le dépasse infiniment.

Alors, s'ouvrent les deux seuls voies anthropologiques cohérentes : ou bien chaque humain est tout (c'est la thèse de la reductio ad meum de Max Stirner aussi esquissée par Fichte), ou bien chaque humain n'est rien (c'est la thèse de la reductio ad totum qui met les humains au service de l'Absolu en marche, comme le font Shankara en Inde ou Teilhard de Chardin en Europe) ; les thèses intermédiaires de la reductio ad societatem (la thèse socialo-gauchiste) ou de la reductio ad humanitatem (la thèse humaniste) sont des compromis intenables qui déplacent la question sans y répondre (la société ou l'humanité sont deux existants qui n'ont aucun Être en soi, sauf à les extraire du Réel pour en faire des absolus artificiels - et c'est bien ce qu'ont fait les idéologies en question).

En ce sens, l a dignité humaine n'est jamais un droit acquis définitivement ; la dignité humaine, cela se construit continûment.

C'est, sans doute, cette construction de sa propre dignité, qui est le moteur de toute quête initiatique authentique : devenir un personne au départ d'un individu.

C'est sans doute cette idée de la personne (personnalisme) qui résout la dialectique anthropologique entre la reductio ad meum de Stirner et la reductio ad totum de Shankara.

 

Du point de vue théologique, le problème est identique : ou bien Dieu est l'Être suprême, donc totalement Être, immuable, parfait, intangible, éternel et éternellement Lui-même auquel cas il n'appartient pas au Réel et ne peut avoir rien de commun avec le Réel (donc du point de vue du Réel, Il n'existe pas, Il ne sort de rien, pas même de Lui-même car ce serait un Devenir) ; ou bien Dieu est le Devenir même, le moteur immanent de tout Devenir, de toute existence, de toute émanation, de toute manifestation qui sont toutes des expressions de Lui-même … et toute la théologie revient à professer - ce qui est ma posture - une ontologie moniste radicale.

Marc HALEVY, 31/10/2018