Comment se réinventer, changer est-ce possible ?
Le Réel est un vaste processus complexe qui évolue vers sa propre plénitude, et tout ce qui existe comme vous et moi et comme n'importe quel humain ... comme n'importe quel animal, ou plante, ou planète, ou étoile, ou galaxie ... tout ce qui existe n'est qu'un sous-processus local et temporaire, singulier et particulier de ce vaste processus cosmique.
Cela signifie que tout, toujours, partout, change tout le temps. Même ce caillou qui s'use ou cette montagne qui s'érode ou ce volcan qui tremble et crache sa lave.
Aussi, la question : "changer est-il possible ?" reçoit une réponse immédiate et universelle puisque tout ce qui existe, change tout le temps.
Mais la question sous-entend autre chose : "est-il possible de changer ... comme on le voudrait, comme on le souhaiterait, comme les autres voudraient que l'on évolue ?"
Donc la question de fond ne porte pas sur le changement, mais sur l'intention qui guide ou voudrait guider le changement.
Quelle est cette intention ? Pour quoi (en deux mots) et vers quoi souhaiterait-on changer ? Changer, oui, mais pour quoi faire ? Cela induit un autre formulation de la première partie de notre titre : "se réinventer", soit, mais avec quelle intention, pour devenir quoi ?
Encore une fois, le question du "comment ?" implique d'abord une réponse à la question du "pour quoi ?" c'est-à-dire : avec quelle intention, dans quel but ?
Le "comment" est affaire de volonté, de courage, de savoir-faire, de virtuosité, d'outils, de méthodes, de règles, de normes, etc ... Tout cela peut s'apprendre si l'on possède les talents et langages requis : il suffit d'un peu de temps, d'un peu de patience et de beaucoup de travail.
Cela nous mène à deux autres questions ...
Pour quoi changer et se réinventer ?
Quelle part de moi est-il possible de changer et de réinventer, même si j'en possède toutes les virtuosités et tous les outils nécessaires ?
Pour quoi changer et se réinventer ?
Je veux changer parce que, ce que je suis, tel que je suis, ici et maintenant, ne convient pas ou ne convient plus. Soit, mais "convenir" par rapport à quoi ? "Convenir" relativement au chemin qui mènerait là où je voudrais aller. Mais où et pour quoi voudrais-je aller justement là ? Quelle est cette destination rêvée ? Autrement dit : quelle est ma profonde intention de vie ? Quelle est la source de cette Joie que l'on ressent si fort, lorsque l'on sent que l'on est sur le "bon" chemin, dans la "bonne" direction", dans le "bon" sens ? Cette Joie que l'on ressent si fort lorsque la Vie prend du Sens, n'est-elle pas la quête de tout ce qui existe, de tout ce qui vit, de tout ce qui pense ? La quête perpétuelle de cette Joie porte un nom qui traverse toutes les traditions spirituelles, depuis des millénaires ; elle s'appelle l'eudémonisme (à ne pas confondre, de grâce, avec l'hédonisme qui n'est que la recherche permanente du plaisir et qui, lui, devient vite un esclavage, un esclavage du "toujours plus", du "à n'importe quel prix" ... et qui est la maladie de notre époque).
Pour répondre à tout ce questionnement, il faut se rappeler que le Réel évolue mû par une Intentionnalité qui est d'atteindre sa plénitude et de réaliser tous ses "possibles" (cfr. mes ouvrages sur la cosmologie et la spiritualité panenthéiste qui l'accompagne). Tout ce qui existe, a émergé de l'Un afin de contribuer à l'accomplissement de cette intention cosmique, de cette plénitude, de ce perfectionnement du Tout-Un qu'est le Réel.
Le chemin profond et réel de chacun est précisément dans cette contribution optimale à l'accomplissement de soi et de l'autour de soi, au service de l'Accomplissement du Réel, du Tout-Un, du Divin[1].
Alors la Vie prend sens et la Joie jaillit en soi et autour de soi.
Voilà donc pour quoi (en deux mots toujours, pour souligner l'intentionnalité), au cours de l'existence, il vient des moments où il nous faut changer, où il nous faut nous réinventer afin de retrouver notre chemin qui donne du Sens, qui produit de la Joie, qui permet notre accomplissement en plénitude, qui permet de reprendre le chantier de la construction de soi comme un Temple sacré au service de l'Accomplissement du Réel-Tout-Un-Divin.
Sans jamais oublier que cette construction, que ce chantier se trouve en soi et autour de soi.
En soi, c'est-à-dire au plus profond de notre intériorité spirituelle et intellectuelle, initiatique et gnostique ...
Autour de soi, c'est-à-dire au service de nos proches, mais, plus globalement, au service de la Vie et de l'Esprit aux sens les plus larges ...
Parmi les nombreux chemins qui s'ouvrent à moi, comment savoir si celui que j'ai choisi, est le meilleur ?
Spinoza a merveilleusement répondu dans sa simplicité la plus nue : connais-tu la Joie profonde et durable ? Si oui, alors plus de doute : tu es sur le bon chemin !
Qu'est-il possible de changer et de réinventer ?
Mais toute médaille a son revers : ce n'est pas parce que j'ai pris conscience du meilleur chemin d'accomplissement en moi et autour de moi, au service de l'Accomplissement du Réel-Tout-Un-Divin, que je suis capable de tracer et/ou de parcourir ce chemin, peut-être trop ardu pour mes forces, capacités, talents et idiosyncrasies.
Il faut donc choisir un chemin possible et éviter les chemins idéaux. Je suis ce que je suis, avec mes limites, quelle que soit l'ampleur des efforts que je fasse.
"Connais-toi toi-même" exigeait la sagesse grecque, une des cent quarante-sept maximes gravées au fronton du Temple de Delphes et reprise, aux dires de Platon, par Socrate (quoique déjà utilisée, bien avant, par Héraclite d'Ephèse).
Aller à a limite, c'est la moindre des choses.
Repousser un peu ces limites, c'est toujours nécessaire.
Ignorer ces limites, c'est se condamner à la stérilité, à l'inutilité, à l'échec et au désespoir ; c'est infantile, pour tout dire !
En revanche, rechigner devant l'effort et l'obstacle, prendre prétexte de ses manques aux fins de laisser courir, de ne rien entreprendre, de laisser aller, de ne rien réaliser, c'est trahir sa propre vocation (du verbe latin vocare, "appeler", la "vocation" est ce qui nous "appelle" de plus profond de nous-même) et renoncer à l'accomplissement et, donc, à la Joie.
En résumé, trois étapes vitales ...
- Chercher et trouver sa vocation profonde,
- établir fermement et durablement la solide intention d'y répondre et de l'accomplir,
- acquérir, dans un combat sans fin contre ses propres limites, les ressources et outils nécessaires pour réaliser cet accomplissement de soi et de l'autour de soi.
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[1] Le concept de "Divin" doit être pris, ici, au sens le plus impersonnel qui soit. Ce Divin cosmique n'a rien à voir avec le Dieu personnel des religions monothéistes dont la puérilité dualiste doit être radicalement dépassée.