Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

La Pensée et le Réel.

La Pensée humaine veut embrasser une connaissance et une compréhension globale du monde réel, intérieur et extérieur. Quelles sont les problématiques qu'elle a à résoudre ?

Tout édifice est le résultat des interactions processuelles entre trois ingrédients (matériels et/ou immatériels, selon le cas), complémentaires et indispensables ; celui des ressources (Substantialité), celui des modèles (Logicité) et celui des travaux (Constructivité).
Mais tout ce processus nécessite, en amont, un domaine identifié (Identité) sur lequel s'applique un projet intensionnel (Intentionnalité).
Une bonne question est celle-ci, pour chacun des cinq ingrédients exposés : pour-quoi ?
Pour-quoi sélectionner telle ressources, plutôt que telle autre, tel modèle, telle manière de travailler, tel domaine, tel projet ? Alors qu'il pourrait y en avoir des myriades d'autres.
Cela est vrai dans la vie quotidienne des humains ...
Mais cela devient franchement épiphanique, mystique ou métaphysique, comme on voudra, lorsque l'on pose ces questions à propos du grand Tout-Un-Réel-Divin ?
D'où vient "l'énergie noire" primordiale ?
Quelle est la teneur de l'Intention primordiale universelle ?
Pourquoi le modèle rationnel cohérent a-t-il triomphé des autres possibles ?
Pourquoi le critère d'optimalité d'accomplissement préside-t-il à l'œuvre cosmique ?
Qu'est-ce qui constitue l'Unité-Ipséité du Tout-Un-Réel-Divin ?

L'humain a développé une caractéristique spéciale : non plus seulement s'adapter pour vivre dans le monde, mais transformer le monde pour y vivre mieux (et il peut y avoir des divergences énormes à propos de la signification de ce "mieux").
C'est là toute l'origine de toutes les technologies qui, elles-mêmes puisent leur origine dans la science c'est-à-dire le(s) modèle(s) du Réel (ou de certains aspects ou de certaines parties de celui-ci) que l'humain s'est fabriqués en faisant se rencontrer le monde des faits et perceptions mémorisées, d'une part, et le monde de son imagination modélisatrice, d'autre part.
C'est cette imagination modélisatrice qui est le propre de la pensée humaine ; elle n'a pu se développer qu'en discernant et en approchant une rationalité propre au Réel (à sa Logicité, plus précisément).

L'imagination modélisatrice est cette capacité de la pensée humaine d'imaginer des relations durables entre des faits, indépendantes – du moins partiellement - de ces faits eux-mêmes.
Elle permet une sorte de prédictivité. On peut parler d'imagination prédictive ou de prédiction imaginative. Si "telle configuration" (un modèle du présent) ET tel événement (une constellation de faits considérés comme pertinents) se télescopent, alors "telle autre configuration" (un modèle du futur) peut en être la conséquence.
On dira que ce changement de configuration est "l'effet" de ce télescopage appelé "la cause".
On peut alors modéliser le processus de ce changement et déterminer quel est l'événement favorable (l'ensemble des variations des paramètres) qui produira l'effet souhaitable (la nouvelle configuration espérée).

Reformulons de façon plus générale ...
Soit une "configuration" observable (l'idée de configuration est beaucoup plus large que celle "d'objet").
Le premier acte cognitif est la description "architecturée" ou "ordonnée" ou "organisée" ou "structurée" de cette configuration, c'est-à-dire sa représentation symbolique (analogique – par sa forme globale comparée à d'autres formes déjà connues - ou analytique – par la description détailles de ses "composants et des certaines relations entre eux) au moyen d'un langage humain (c'est donc la nature du langage qui définit et impose le type et la manière de cette description qui, dès lors, devient une modélisation).
Cette configuration évolue (parce que tout ce qui existe, évolue), soit intérieurement (naturellement en elle-même, par elle-même), soit extérieurement par télescopage avec une autre configuration (à décrire avec le même langage si l'on veut modéliser l'interaction entre les deux configurations).
Ce "télescopage" va induire une évolution de chacune des deux configurations qui seront chacune autres que leurs évolutions naturelles en absence de cette interaction.
On peut alors parler du télescopage comme la "cause" de cet "effet" qu'est la bifurcation des évolutions des deux configurations étudiées.
Cette bifurcation pourra, à sont tour, être décrite en utilisant le même langage que celui utilisé pour la description des deux configurations tant avant qu'après leur interaction, cause de la bifurcation constatée.

Ce qu'il faut impérativement bien comprendre, c'est l'importance capitale du choix du langage utilisé pour les diverses descriptions configurationnelles.
Une "même" histoire humaine ne "dira" pas la même chose selon que l'on la narre au moyen d'un opéra, d'un roman, d'un film (muet ou parlant) ou d'un rapport de police.
Toute modélisation est la rencontre entre une configuration ou une bifurcation réelles, et un langage humain.

Tout est donc affaire de langage ... C'est cela qui a fait le succès du langage mathématique dès lors que l'on postule qu'une configuration est décomposable et descriptible en grandeurs mesurables donc quantifiables.

D'autre part, surgit le problème de la modélisation des interactions entre configurations différentes. En effet : décrire une architecture (l'état d'une configuration) et décrire une interaction (une bifurcation c'est-à-dire un changement d'état soumis à une interaction, pression ou tension, internes ou externes) en utilisant un seul et unique langage "universel" (les mathématiques, par exemple) relève de la gageure.

Trois questions fondamentales se posent quant à notre connaissance humaine du Réel (nous y compris) :

1. Comment décrire une configuration réelle ici et maintenant ? Comment deviner les évolutions naturelles de cette configuration sans la moindre interaction avec quoique ce soit d'extérieur à elle-même ?
2. Comment prédire les évolutions possibles de cette configuration en interaction avec une autre configuration réelle ?
3. Comment deviner les évolutions possibles de cette configuration en interaction avec une autre configuration purement imaginaire ?

Remarquons que pour répondre à la seconde question, des expérimentations sont possibles ... alors qu'elles ne le sont pas pour la troisième question et que le recours à une "théorie" est indispensable ...
Exemple :

1. Qui suis-je ? Comment vais-je vieillir, tout autre chose restant égale ?
2. Comment vais-je devenir si je changeais réellement de métier ?
3. Comment pourrais-je devenir si je changeais imaginairement de métier ?

Et implicitement, une quatrième question sournoise se pose : quel langage (par définition humain et conventionnel) dois-je utiliser pour répondre valablement (que signifie ce "valablement" ? véridiquement, vérifiablement, ...) à ces trois questions ?

Somme toute, la pensée humaine est confrontée à trois grandes classes de problématiques :

1. la problématique descriptive qui nécessite l'invention de langages univoques pour donner une description fiable d'une configuration ;
2. les problématiques expérimentales qui nécessitent l'invention de techniques précises pour mesurer les évolutions de l'état observable d'une configuration isolée ou en interaction avec d'autres ;
3. les problématiques conjecturales qui nécessitent l'invention de théories globales pour prédire l'évolution supposée d'une configuration non répétitive.

Il est évident que ces trois problématiques sont complémentaires et s'appuient les unes sur les autres vers toujours plus de véracité.
La question la plus difficile, dans tout cela, est la question des langages et de leur adéquation à la problématique envisagée.

*