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L'éthique en résumé.

L'éthique en résumé succinct …

Tout ce qui existe a vocation intime et profonde, intrinsèque et naturelle, innée et universelle, de contribuer à l'accomplissement du Réel au travers de l'accomplissement de soi et de l'autour de soi.

 

Faire du bien, c'est favoriser cet accomplissement et cela procure de la "joie" ; faire du mal, c'est le contrecarrer, voire l'empêcher, et cela induit de la "souffrance".

La contribution à l'accomplissement peut être fortuit (reçu, subi) ou construit.

 

La force de construction de l'accomplissement s'appelle le vertu.

La force de destruction de l'accomplissement s'appelle le vice.

 

La plupart des humains attendent, espèrent, désirent ou rêvent que leur accomplissement sera fortuit, sans effort de leur part, par la magie des idéologies politiques ou des religions théistes ; ils sont alors installés dans la servitude volontaire. Ils jouent sur la pitié, la charité, la commisération ; ils ne méritent que mépris. Ces humains-là ne sont que des parasites du Réel.

 

Les autres, ceux qui on compris que la "joie" et la "souffrance" sont des constructions mentales volontaires, pratiquent soit la "vertu" de bonté et construisent de la "joie", soit le "vice" de méchanceté et construisent de la "souffrance" (la jouissance destructive des frustrés, des jaloux, des envieux, des sadiques, des toxiques, des bourreaux, …).

 

L'éthique, alors, consiste à ne pratiquer exclusivement que la vertu de bonté pour contribuer à l'accomplissement du Réel au travers de l'accomplissement de soi et de l'autour de soi.

 

Au fond, l'humanité est tripartite : il y a une grande majorité de parasites, il y a la secte des toxiques (les malfaisants) et il y a l'aristocratie des constructeurs.

Ces trois catégories, quoique bien profondes, ne sont pas totalement étanches et il peut arriver d'y voir des transfuges, momentanés souvent, par coup du sort ou par erreur, généralement.

 

Un résumé un peu développé de "L'Ethique" de Spinoza …

 

Toute la difficulté, avec Spinoza, est que sa pensée en général, et son "Ethique" en particulier, reposent sur un ensemble précis de concepts dont chacun s'écarte du sens ordinaire – ou devenu ordinaire.

Spinoza écrit en latin, langue qui n'est pas la sienne et qu'il ne maîtrise qu'imparfaitement. Il s'invente donc, en latin, un glossaire sur mesure que les divers traducteurs ont plus ou moins bien traité.

Ce glossaire, en gros, porte sur les termes suivants :

 

  • Dieu est le Réel-Un, l'unité unique et unitive de tout ce qui existe que cela soit matériel ou non. L'équation centrale est Dieu = Réel = Tout = Un, ce qui fonde un monisme radical opposé à quelque dualisme ou à quelque dualité que ce soit. On a beaucoup parler du "panthéisme" de Spinoza mais le terme est inexact ; il faut parler de son panenthéisme car l'Un – qui est Dieu – est plus que le Tout – l'ensemble de tous les phénomènes et de toutes les manifestations.
  • L'intention d'accomplissement (le Conatus qui est la volonté universelle de "persévérer dans son être") est le moteur de l'évolution de tout ce qui existe.
  • La Joie absolue que l'on peut aussi appeler la Béatitude, voire l'Extase, est la parfaite et totale communion (que Spinoza appelle "Amour") entre l'accomplissement divin (global, holistique, cosmique) et l'accomplissement humain (de chacun en tant que soi et autour de soi).
  • Mais au plan existentiel, chacun connaît des "joies" et des "souffrances" (que Spinoza appelle des "tristesses") qui sont les noms génériques pour désigner tous les ressentis (que Spinoza appelle les "affects") qu'ils soient, respectivement, positifs et constructeurs, ou négatifs et destructeurs.
  • L'Ethique, alors, devient l'ensemble de toutes les règles de vie qui permettent de cultiver et d'amplifier toutes les "joies" et d'éviter ou de désamorcer toutes les "souffrances".
  • Chaque ressenti ("joie" ou "souffrance") peut être soit subi, soit construit, et trouver son origine soit en soi, soit en l'autre.
  • De là, l'idée centrale que chacun doit devenir autonome (Spinoza dit "libre") c'est-à-dire doit se libérer afin de ne rien subir (ce serait accepter la "servitude") et de tout construire.
  • De là, l'autre idée également centrale que chacun est responsable de l'accomplissement de soi et de l'autour de soi, et donc des "joies" et "souffrances" qui en découlent.
  • De là, aussi, cette troisième idée centrale que le critère d'utilité est le critère éthique par excellence : est éthique ce qui est utile à la construction de plus de Joie, donc de plus de "joies".
  • De là, encore, cette quatrième idée cruciale de la prééminence de la rationalité (qui est une notion de loin plus riche et supérieure à celle du rationalisme) comme outil de défrichage des paysages éthiques.
  • De là, enfin, cette cinquième idée fondamentale que la pensée humaine doit se détourner de ces perceptions, de ses sensations, de ses imaginations, … et apprendre à faire confiance à cette intuition profonde qui établit reliance et résonance entre l'esprit humain et l'Esprit divin ou cosmique.
  • La "vertu" coïncide avec les règles de vie qui construisent de la "joie" et le "vice" coïncide avec celles qui induisent de la "souffrance".
  • Il y a ceux qui se contentent de subir "joies" et "souffrances", qui sont dans la servitude (on l'a dit) et qui se condamnent à vivre dans l'espérance, l'attente, la croyance, le rêve, l'idéal (décliné dans tous les idéalismes tant religieux qu'idéologiques). Ils réclament sempiternellement de la pitié, de la commisération, de la charité. Ce sont ces "parasites" qui sont, statistiquement, les plus nombreux.
  • Il y a aussi, malheureusement, ceux qui se complaisent à construire des "souffrances", parfois en eux, mais le plus souvent autour d'eux : ce sont les "toxiques".
  • Et il y a enfin ceux qui engendrent des "joies" en eux et autour d'eux : ce sont les "constructeurs", les hommes de qualité, les aristocrates de la vie. Ces "constructeurs" de joie sont les sages, les vertueux, les "amis de Dieu", les "accomplisseurs" de l'Intention divine à leur niveau comme au niveau cosmique.
  • L'ascèse spinozienne et, par voie de conséquence, spinoziste, est une ascèse initiatique qui consiste à créer et à entretenir des chemins de "joies" vers la Joie et l'Extase, c'est-à-dire des chemins de sagesse et de vertu.
  • Il ne s'agit pas de partir à la rencontre de Dieu, mais bien d'exalter le Divin qui existe et se manifeste dans tout ce qui existe.

 

Et une conclusion bien spinoziste …

 

Il faut revenir à la traduction précise et littérale du "Deus sive Natura" dont Spinoza fait la pierre angulaire de la cosmosophie.

 

  • "Deus" est le mot latin (translittéré du grec Théos) pour désigner un dieu, qu'il soit "divin" ou "humain" ("Platon est notre dieu", par exemple). Il y a derrière ce mot l'idée de quelque chose de supérieur, de suprême, d'au-delà du commun. On retrouve la même idée en grec.
  • "Sive" signifie "autrement dit", voire "ou bien", ce qui introduit une équivalence forte entre le mot qui précède et le mot qui suit.
  • "Natura" est le participe futur (notion qui n'existe pas en français) du verbe Nascor qui signifie "naître". Ce participe futur signifie soit "ce qui est en train de naître", soit "ce qui fait naître". On comprend que ce second sens pointe vers un principe créateur, vers une intelligence divine, vers une âme universelle, mais toujours dans un sens purement immanent, voire immanentiste.

 

Deux sens parfaitement complémentaires se dégagent ainsi :

 

  • "Dieu, autrement dit, ce qui est en train de naître" avec l'idée que Dieu est en cours d'accomplissement au travers de la Nature qui le manifeste ;
  • "Dieu, autrement dit, ce qui fait naître" avec l'idée que l'on nomme Dieu la puissance immanente et intentionnelle, présente dans le Réel et moteur de l'émergence de tout ce qui existe.

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