Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

La fin du modèle français et du social-étatisme

L'actualité montre deux tendances claires : l'impossibilité de définir un "Socialisme" pour le 21ème siècle - ce qui est une évidence puisque toute l'idéologie socialiste est issue des mythes du 19ème siècle -, et la faillite, dans toutes ses dimensions, de l'étatisme qui s'effondre, partout, en tout. La mutation paradigmatique est en route … Qu'elle se dépêche, bon sang, tant qu'il y a encore quelque chose à sauver.

 

Le Socialisme français - et plus généralement, l'idéologie dominante du social-étatisme, ce républicanisme mi-paternaliste, mi-totalitariste, à la De Gaulle - est, pour l'heure, en pleine crise - après avoir mis la France à la traîne du monde depuis 1792.

Mais de quelle crise s'agit-il ? Celle d'une prise de conscience à la fois sociologique et économique que le Socialisme est une idéologie du refus obstiné de la réalité, de toutes les réalités : celle de la nature humaine, celle de la nature des relations sociales, celle de la nature des lois et processus économiques, celle de la nature des ambitions et ressorts humains, celle de la nature des incontournables et irréversibles inégalités entre les hommes, les sexes, les races, les cultures, etc …

Tant que l'on en a eu les moyens - grâce au colonialisme, au plan Marshall, à l'Union européenne, à l'esbroufe, au "bijoux de famille" de l'Histoire, … -, le déni de réalité a pu jouer à plein et l'on a pu continuer de se faire croire que ce système était viable … à grands coups d'endettements, de fuites en avant, de magouilles, de tromperies médiatiques, de parades géopolitiques ou diplomatiques, de mensonges démagogiques et de falsifications des comptes.

Dans les faits, ce système est inviable - il n'est pas non plus enviable : malgré les dires, personne dans le monde n'envie le système français et personne ne l'a pris comme exemple : trop d'Etat, trop de fonctionnaires et de fonctionnarismes, trop d'assistanats, trop de coercition, trop de lois, de règles, de règlements de règlementations, de normes, de procédures, de bureaucraties, trop de paresse, trop de paperasse, trop de contrôles, trop peu de travail, trop peu d'efficience sociétale et économique, trop de laisser-aller, trop de négligences, trop de grèves (De Gaulle, à l'issue de la guerre, a acheté son pouvoir en offrant des sinécures et des "territoires" inexpugnables aux crapules communistes de la CGT).

 

En France, tout doit être soumis à l'Etat qui s'autoproclame obstinément plus apte à résoudre les problèmes individuels que les individus eux-mêmes … cela conduit à une totale infantilisation du peuple (œuvre de la 3ème république et de ses "hussards" socialistes). Cette infantilisation force le  peuple de choisir, selon les schémas de l'analyse transactionnelle, entre être un "enfant soumis" (le citoyen, patriote et républicain, qui paie ses impôts et qui vote utile pour le bien commun - soit 10 à 15% de la population adulte au maximum), être un "enfant rebelle" (le militant de la râlure, lecteur du "Canard enchaîné" ou de Marianne, spécialiste des votes de refus et de protestation : il est contre tout ce qui est et pour tout ce qui n'est pas) ou être un "enfant créatif" (le système D, la débrouille, la fraude fiscale, le travail au noir, qui ne vote pas puisqu'il ne croit pas au "système" et qu'il a mieux à faire ; cette frange est en augmentation exponentielle et constitue un peuple dans le peuple qui vit de plus en plus en dehors des institutions selon une économie et une sociologie parallèles). Ces trois types infantiles font face à un Etat omniprésent qui oscille entre les deux postures connues : celle du "parent nourricier" (la démagogie et le populisme socialistes et leur leitmotiv vide et creux contre les "injustices") et "parent autoritaire" (la démagogie et le populisme gaulliste et leur leitmotiv aveuglément irréaliste des "ambitions pour la France dans le monde").

Le système français est le dernier système stalinien au monde

Mais la mutation paradigmatique que nous vivons, siffle la fin de la récré, la fin du rêve sinistre d'une utopie contre nature.

 

Francis Fukuyama a proclamé trop vite la "fin de l'histoire" ; il n'a signé que la fin d'une histoire : celle de la guerre entre le modèle américain et le modèle soviétique. Mais il n'a pas vu que ce modèle américain est inviable par lui-même, car il ne tient que pas son assuétude à l'adrénaline militaire et aux endomorphines financières dans une dérisoire compétition pour l'hégémonie mondiale dont tout le monde se fiche comme d'une guigne. Ce modèle américain ne survit que dans la guerre contre un "autre" et George W. Bush lui a offert un nouvel ennemi : l'islamisme (qu'Allah tout-puissant bénisse le 11 septembre 2001 qui a donné, aux USA, un nouveau fonds de commerce).

Il en va de même pour le Socialisme qui ne peut survivre que dans la haine d'un "autre" qui peut s'appeler, selon l'humeur, le bourgeois, le capitaliste, l'entrepreneur, le libéral, le libertaire, le libertarien …

La haine socialiste n'est pas avare - elle est l'adrénaline et les endomorphines du corps socialiste : cette haine est celle du Réel, celle de la différence et du mérite, celle des communautés de vie, celle de l'asocialité, celle de la religion, celle de la réussite, celle de l'entreprise, celle de l'individu, celle de l'initiative privée, celle des incontournables inégalités ontiques entre les groupes humains … L'Homme du Socialisme n'est pas l'homo sapiens demens réel, mi Cro-Magnon, mi-Neandertal ; il est un Homme qui n'existe pas, qui n'existera jamais, mais que des idéologues schizophrènes et paranoïdes, idéalistes et platoniciens, ont inventé et posé comme étant l'idéal à atteindre, envers et contre tout, quel que soit le prix à payer. Et aujourd'hui, nous payons le prix fort pour tenter de survivre malgré les horreurs staliniennes et les bêtises kafkaïennes des descendants de Robespierre.

 

Remettons les choses à l'endroit …

Le monde humain de demain sera un réseau dense de communautés de vie, libres et autonomes, dont les "territoires" seront d'abord noétiques et qui interagiront entre elles selon les règles générales du continent qui les accueille, avec la Toile pour support. Il n'y aura plus ni Peuple, ni Etat, ni Nation, ni Patrie. Partout, depuis toujours, l'Etat a précédé la Nation. Ou, plus exactement, la Nation est une idée abstraite et artificielle qui a été inventée et imposée par l'Etat pour se donner une légitimité factice sur un "territoire" (c'est-à-dire sur des patrimoines matériels et immatériels) qu'il s'était octroyé et qu'il avait confisqué par la ruse, par le mensonge ou par les armes. Le comble de l'imposture fut de passer du phantasme de la Nation qui permit l'enrôlement de conscrits gratuits, à ceux de patrie et de patriotisme qui permirent de glorifier les morts sacrifiés et surtout de condamner les réfractaires et les objecteurs. Car le problème unique d'un Etat est d'étendre son empire sur des territoires, sur des activités, sur des communautés, sur des individus. Cela s'appelle, depuis Hannah Arendt, le totalitarisme. Tout Etat a vocation totalitaire, par essence.

Les tenants du social-étatisme à la française sont de droite (les lambeaux gaullistes ou les spectres lepénistes) comme de gauche (les sociaux-libéraux nouvellement libellés et les autres mouvances de ces Gauches archaïques dont le seul pouvoir est de faire rire - parfois jaune - avec les clowns Montebourg, Duflot, Hamon, Mélenchon, Besancenot, Hue et toutes leurs cliques absurdes). Ils se sont construits un repoussoir qui, a contrario, devient leur ciment : le libéralisme qui, pour ne pas faire demi-mesure, y est taxé d'ultralibéralisme.

Cette posture est une totale imposture et entretient, à l'envi, des amalgames et des confusions inacceptables. Clarifions …

 

Le Libéralisme, c'est l'exact opposé du Socialisme, c'est-à-dire de l'Etatisme et de l'Egalitarisme. Le Libéralisme, c'est : moins d'Etat, plus de différences. Tant le Socialisme est normatif et bureaucratique, c'est-à-dire, mécanique, tant le Libéralisme est associatif et aristocratique, c'est-à-dire organique. Et il faut que cesse cette malveillance savamment entretenue par la gauchianterie ambiante, qui fomente l'amalgame du Libéralisme (qui est une philosophie du vivre-ensemble), avec le Capitalisme (qui est une méthode de financement privé des investissements) et avec le Financiarisme (qui est ce cancer spéculatif qui ronge l'économie réelle avec la bénédiction des Etats, de gauche comme de droite - le financiarisme n'est pas du libéralisme ; il en est le plus infect dévoiement, comme le Stalinisme et le Nazisme furent, dit-on[1], les plus infects dévoiements du Socialisme).

Le Libéralisme est la troisième voie, conjointement opposée au Socialisme et au Ploutocratisme, au Populisme et au Bourgeoisisme, au Progressisme et au Conservatisme, à l'Anarchisme et au Légalisme, au Démocratisme et à l'Oligarchisme.

 

La solution vient de l'analyse transactionnelle : tuer le père (l'Etat) et déniaiser l'enfant (le peuple) afin d'instaurer, dans nos beaux terroirs naturels et culturels, des relations enfin adultes et autonomes, entres les personnes, les communautés de vie, les régions authentiques et l'Europe unie. C'est cela ce libéralisme dont la France s'est montrée, depuis la Renaissance, totalement incapable. C'est pourtant cette voie libérale qui est au cœur de la mutation paradigmatique que nous vivons et qui est la seule alternative possible face au suicide collectif que sont en train de nous organiser, conjointement, les social-étatismes européens et le modèle américain financiariste et anti-écologiste.

 

Marc Halévy, 3 septembre 2014.



[1] J'écrit ce "dit-on" car je crois, pour ma part, que le Stalinisme ou la Nazisme sont les prolongements naturels et  inévitables du Socialisme qui, par essence, est totalitaire (parce que contre-nature) et antisémite (l'égalitarisme socialiste ne peut tolérer des communautés séparées qui se présentent comme "élues").