Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

La fin de l'humanisme

Le grand clivage de l'humanité est en cours …

La grande et monstrueuse erreur qui est en cours, consiste à réduire un organisme vivant à une série d'algorithmes biologiques que des algorithmes numériques pourront bientôt simuler.

C'est le dernier avatar de la réduction du biologique au mécanique.

A ce titre, Yuval Noah Harari (in : "Homo Deus") écrit :

"Ce sont les sciences de la vie qui ont conclu que les organismes étaient des algorithmes. Si tel n'est pas le cas, si le fonctionnement des organismes est intrinsèquement différent de celui des algorithmes, les ordinateurs peuvent bien opérer des prodiges dans d'autres domaines, ils ne pourront jamais nous comprendre et diriger notre vie - et ils seront sans doute incapables de fusionner avec nous."

Mais tout n'est pas si simple … La Vie biologique et la Pensée noétique sont des émergences successives de la physico-chimie ; elles lui sont irréductibles, mais … elles gardent en elle une part de mécanique et d'algorithmique : la part la moins complexe et la plus basale, mais qui, néanmoins, lui est indispensable.

Le mécanique et le numérique peuvent renforcer, réparer, amplifier cette part ; ils peuvent aussi s'y substituer et prendre certaines de ces fonctions en charge automatiquement (c'est ce qu'on déclenché les révolutions industrielles et numériques).

Si l'on réduit l'humain à ses seules fonctions mécaniques et algorithmiques, alors les technologies sont un réel danger pour lui puisque celles-ci simuleront et assumeront ces fonctions avec plus de puissance, de précision, de vitesse et de fiabilité.

Le vrai danger est que l'humain soit tellement fasciné et hypnotisé par ses propres technologies qu'il en vienne, par paresse ou facilité ou bêtise ou manque de talent, à se réduire lui-même à ses propres fonctions mécaniques et algorithmiques et, ainsi, à s'inféoder totalement aux systèmes artificiels.

Dans le monde extrêmement numérisé, robotisé et algorithmisé, qui est déjà presque là, la grande majorité des humains ne seront plus utiles au système global. Tout le système "moderne" a été construit sur l'idée centrale humaniste que chaque être humain est unique, rare et précieux.

Ce postulat est aujourd'hui … faux !

 

L'humanisme est devenu une impasse. Ses postulats s'effondrent les un après les autres.

Comme toujours, au fond d'une impasse, trois scénarii sont possibles.

Le retour en arrière vers les idéalismes puérils d'avant la religion humaniste.

L'amplification du mal dans l'espoir de défoncer le mur : c'est le transhumanisme des GAFA ou le post-humanisme de Peter Sloterdijk.

Le dépassement et le saut au-dessus du mur que l'on peut appeler le méta-humanisme.

 

Ce méta-humanisme implique trois conséquences majeures :

  • primo, la scission de l'humanité en deux castes distinctes :
    • l'une phagocytée par les technologies et limitée à une existence mécanico-algorithmique (ce qui n'exclut pas une vie "heureuse"),
    • l'autre dominant ces technologies pour les domestiquer et les cantonner aux fonctions basales ;
  • secundo, le développement, dans la première caste, d'une "élite" plutôt transhumaniste qui maîtrisera la création des nouvelles technologies (mécaniques et algorithmiques) et qui s'octroiera des privilèges énormes à la condition de fabriquer du "bonheur" virtuel pour le reste de la première caste ;
  • tertio, le développement, par la seconde caste, des fonctions non mécaniques et non algorithmiques avec, par exemple, la prééminence du spirituel sur le matériel, de l'intériorité sur l'extériorité, du naturel sur l'artificiel, de la sacralité sur la profanité, et du Divin sur l'humain.

Il ne sera évidemment plus question de démocratie. Surtout pas dans la première caste (de loin la plus nombreuses avec 85% de la population mondiale) puisque les algorithmes sauront, à la fois, ce que chacun désire et préfère recevoir, et ce que chacun veut et peut donner.

Somme toute, il y aura, d'un côté, le peuple et sa caste princière, voués au "bonheur" artificiel, et, de l'autre côté, une caste sacerdotale vouée à la sacralité.

Rien de bien nouveau sous le soleil … D'un côté les douze tribus profanes et leur Roi, et de l'autre la tribu sacerdotale et ses Prophètes …

Mais ce schéma théorique va très vite se heurter à un autre mur : celui de la pénurie des ressources face à l'exubérante croissance démographique …

Ce second mur condamnera la première caste à disparaître, étouffée dans un fatras colossal de technologies devenues inutilisables, faute de combustibles.

Marc HALEVY, 31.10.2017