Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Renaissance des quatre liens fondamentaux.

Le nihilisme de la Modernité avait "libéré" l'ego, individuel ou collectif, en lui faisant croire qu'il pouvait se placer au-dessus du Réel. Maintenant, vient le retour de manivelle … L'homme doit se relier au Réel.

L'activité consciente que l'on peut simplistement nommer "ego" est le point d'affrontement des quatre liens fondamentaux de l'esprit : sa généalogie (l'identité), sa téléologie (la spiritualité), son écologie (sa naturalité) et son axiologie (son intellectualité).

Le nihilisme revient à briser ces quatre liens et à affirmer le solipsisme de l'ego enfin "libéré" de ses chaines, enfin "émancipé" de son champ de contraintes.

Deux variantes s'y exprimèrent, l'une partant de l'ego individuel (l'individualisme), l'autre partant de l'ego collectif (l'humanisme).

Ce processus visant "libération" et "émancipation" commença, en occident, depuis le 15ème siècle et s'accéléra au mitan du 18ème siècle ; il s'appelle la "Modernité". Le but en est était le culte absolu de l'ego "hors sol", individuel et collectif.

Aujourd'hui, cette voie s'est révélée être une impasse catastrophique, tant au plan naturel qu'au plan culturel.

Ce n'est donc pas un hasard si, dans nos sociétés "nihilisées", on voit quatre "renaissances" : celle du lien et du retour à la Nature (écologie), celle de l'affirmation des différences et des identités, qu'elles soient individuelles ou collectives, naturelles ou culturelles (généalogie), celle des quêtes et renouveaux spirituels (téléologie) et celle des valeurs, des principes, des morales et des connaissances (axiologie).

Cela signifie que l'ego n'est plus du tout la réalité centrale de chacun, mais seulement le lieu de conscience où chacun se relie à la quadruple réalité de son monde.

Cette destitution, ce détrônement, cet effondrement de l'ego sont, évidemment, mal vécus par beaucoup que le nihilisme ambiant avait convaincu qu'ils étaient les petits princes gâtés du monde, autorisés à tous les caprices et à toutes les colères,  possédant tous les droits sans en avoir les devoirs. Le culte du "moi" est mort, l'égotisme s'effondre et tous les égocentrés, purs produits de la "Modernité libératrice", s'en offusquent et se rebiffent. Mais il est trop tard. Le nouveau paradigme se fera sans eux, contre eux, au-dessus d'eux.

Et comme toujours, lorsque "renaissance" il y a, il y a abus par naissance ou renaissance de nouveaux fanatismes identitaires, religieux, écologues ou moralistes. L'authentique "renaissance", aujourd'hui nécessaire, n'est pas celle d'une seule des quatre dimensions poussée à l'extrême (ce qui n'est, au fond, qu'un dernier et désespéré chant du cygne de l'ego), mais bien celle des quatre reliances concomitantes et harmonieusement équilibrées.

Le problème n'est plus d'exprimer l'ego autrement ; le problème est que l'homme doit retrouver sa juste place dans le monde, inscrit et inséré dans le monde, au service de la Vie et de l'Esprit.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 18/06/2019