Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Ere du pari

Le vrai divorce n'est pas entre capital et travail, mais bien entre réalité et jeu ...

Il faudra bien un jour que l'homme de la rue et les singes médiatiques et idéologiques comprennent qu'il n'y a plus aucun rapport entre finance spéculative et économie réelle. Les entreprises se sont scindées, depuis belle lurette, en deux catégories ennemies : d'une part, les petites et moyennes entreprises et les groupes familiaux qui créent des emplois, des produits et de la valeur, et, d'autre part, les grosses entreprises cotées en Bourse qui en détruisent à tout-va.
De même, les banques se subdivisent en banques malsaines qui jouent à fond le jeu de la spéculation boursière et engrangent des bénéfices aussi faramineux qu'indécents, et en banques saines qui financent, comme elles peuvent, les entreprises et les ménages de l'économie réelle selon les règles du crédit et du dépôt.
Bref, il existe bel et bien deux mondes parallèles et ennemis : celui de la spéculation et celui de la production, ou, si l'on préfère, celui du pari et de l'argent facile, et celui du travail et de l'argent difficile.

Sous les mésusages pernicieux et falsifiés des concepts de "libéralisme" (ultra ou pas) ou de "capitalisme", on désigne en fait la collusion financiaro-étatique qui pourrit le monde. Ce "je te tiens tu me tiens par la barbichette" entre les Etats et la Finance est un jeu pervers qui n'a plus rien à voir ni avec la doctrine économique libérale de libre entreprise, ni avec les techniques capitalistiques d'investissement industriel, … ni avec la démocratie, ni avec le bien commun.
Dans le délétère jeu financiaro-étatique, on voit se rejoindre deux formes du syndrome spéculatif : l'une porte sur le pouvoir politique, l'autre sur la puissance économique. Car, ce que l'on appelle la "politique politicienne" n'est rien de plus qu'une spéculation forcenée et incessante, sous couvert de démocratie ; un jeu malsain entre des carriéristes partisans (de droite comme de gauche ou d'ailleurs), des médias exsangues en quête d'audience et des magouilleurs de la finance plus ou moins publique.
Bien plus généralement, nous sommes entrés dans l'ère du pari permanent et de la promesse éternelle.

Ce n'est plus le travail qui mène à la fortune. Ce n'est plus la compétence qui mène au pouvoir. Ce n'est plus le talent qui mène à la célébrité. En tout triomphe le jeu des influences et des alliances entre joueurs invétérés. Dans ce tout petit monde, chacun spécule sur tous avec un total déni de réalité et avec un total mépris des enjeux.
Les spéculations boursières ou médiatiques, les jeux d'influences et d'alliances, les paris sur tout et n'importe quoi, les promesses politiciennes ou mercantiles alimentent un petit arrière-monde collusif et halluciné, atteint d'une assuétude psychotique grave.
Tel est le spectacle de notre triste réalité sociétale à qui on laisse croire au faux conflit entre capital et travail afin qu'elle ne voie pas les jeux spéculatifs et carriéristes des coulisses financiaro-étatiques.

Marc Halévy, 29 janvier 2015.