Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Transhumanisme

Le constat que font les Transhumanistes (le mouvement - surtout anglo-saxon - dit H+) est imparable : globalement, sauf nombreuses mais bien trop peu nombreuses exceptions, l'homme n'est pas à la hauteur de sa mission noétique (être le pont entre l'animal et le surhumain) qui est, pourtant sa seule justification dans ce monde.

En gros, on peut analyser cette problématique carence selon deux axes complémentaires.

  • Le premier parlerait de perfectionnement collectif (la masse) ou particulier (l'élite et, par conséquent, la dualisation radicale de l'humanité par mutation noétique culturelle comme il y eut une mutation génétique naturelle qui sépara Neandertal et Cro-Magnon).
  • Le second parlerait de perfectionnement spirituel (par l'ascèse intérieure) ou artificiel (par la technologie, notamment le recours au NBIC : Nano-Bio-Info-Cogno-technologies).

Le croisement de ces deux axes propose quatre quadrants d'avenir.

Le quadrant massique/initiatique me paraît irréaliste : depuis des millénaires, les sages, les initiés, les philosophes, les savants s'évertuent à proposer aux animaux humains un sursaut de conscience, une valorisation de l'existence, une sortie du panem et circenses : rien n'y fait ! Cette voie est sans issue : la majorité humaine est définitivement trop stupide, trop inerte, trop médiocre pour que cela puisse fonctionner.

La quadrant massique/technologique (qui forme le cœur de l'idéologie H+) repose sur deux hypothèses très discutables.

  • La première est que la technologie puisse effectivement élevé le "niveau" de conscience et d'intelligence de la race humaine : cette pure conjecture oublie que la pensée, l'intelligence et la conscience humaines sont des propriétés émergentes de très haute complexité qui ne sont pas réductibles à de rudimentaires effets mécaniques d'interaction d'assemblage entre neurones (ce qui est l'hypothèse fausse des sciences cognitives à la Dennet ou Changeux). De façon générale, je ne pense pas que les dimensions N, I et C parce qu'elles sont encore très mécanicistes, puissent réellement contribuer à pallier les carences profondes de la psyché humaine (ce qui ne les empêchera pas d'améliorer certaines de ses performances parmi les plus mécanistes et les plus programmatiques). Reste de B de Bio, ce qui, en gros toujours, revient à faire l'hypothèse de mutations génétiques contrôlées dans les parts liées au cerveau du génome humain. Pour admettre cette hypothèse, il faudrait revenir en arrière et accepter le "dogme génétique" formulé par Crick qui affirme que l'ADN est le programme complet de fabrication globale de l'être humain ; on sait aujourd'hui que cette hypothèse - que ce dogme - est fausse et que l'ADN n'est qu'un programme sophistiqué de fabrication de protéines (les briques de l'édifice), mais qu'il ne contient pas le plan de l'édifice (l'architecture du corps et de ses organes). Ce plan n'est pas dans l'ADN ; il est ailleurs, dans la mémoire cosmique propre au phylum humain, sous-jacente à la fine pellicule active que nous appelons "présent". Si cette mémoire est déjà accessible - et le sera, probablement, beaucoup plus dans l'avenir -, elle n'est pas transformable, elle est irréversible (sauf à croire au mythe de la machine à remonter le temps et à tous les paradoxes et apories y associés).
  • La seconde hypothèse discutable du quadrant massif/technologique est la massification possible des éventuels - et peu probables, nous l'avons vu - miracles des NBIC. Le problème ici est d'une autre nature : pourquoi, sauf contrainte et forcée par un Big Brother dont on n'y voit pas bien les motivations, pourquoi la grande masse des humains aspirerait-elle ou même accepterait-elle de faire le pas et de sauter dans l'inconnu d'un tout autre niveau de conscience et d'intelligence ? Pourquoi des milliards de pourceaux satisfaits voudraient-ils subitement accepter ce qu'ils refusent depuis des millénaires : devenir des Socrate insatisfaits ? Il ne reste donc que les pistes et quadrants élitaires …

Le quadrant élitaire/technologique représente une des branches, assez minoritaire, du mouvements H+, tout au moins dans sa version anglo-saxonne actuelle qui privilégiée, dans la bonne tradition luthérienne, la communauté à la personnalité. Ce quadrant s'édifie sur les même hypothèses NBIC déjà critiquées que le quadrant massique/technologique. La conclusion est donc la même : le progrès de la conscience et de l'intelligence humaines par les gadgets technologiques relève largement du mythe sauf à la marge, à la périphérie mécaniciste et programmatique de la psyché.

Il ne reste donc que la dernière piste envisageable : le quadrant élitaire/initiatique, c'est-à-dire la piste qui fonctionne relativement bien depuis si longtemps, mais qui ne concerne et ne concernera toujours qu'une toute petite minorité du genre homo sapiens demens. Cependant, les NTIC et les NBIC auront des effets d'amplification et d'accélération tels que des seuils, naguère infranchissables, pourront être franchis par ces élites spirituelles. Avec une grave conséquence irréversible : la rupture du lien de communication avec la masse des humains restée en rade, en aval de ces seuils pour elles définitivement infranchissables.

Ce phénomène de rupture par totale divergence et incompréhensibilité réciproque, ressemble bien à ce que j'appelle une mutation noétique culturelle. La distance noétique qui séparera ces élites surhumaines aux masses humaines sera au moins aussi immense que celle qui sépare le psychisme humain de celui d'une amibe.

Si cette hypothèse que je fais mienne aujourd'hui, se réalise, cela induira, d'une part, une dualisation irréversible et profonde du tissu humain sur Terre et, d'autre part, le règlement du problème de la relation de coopération ou de compétition (voire d'extermination) entre ces deux branches de la gent humaine, désormais étrangères l'une à l'autre.

(J'avais déjà évoqué ce problème dans "L'âge de la connaissance" …).

Marc HALEVY (mai 2010)