"De V.I.T.R.I.O.L. au centre de l'Idée"
Cet article est un petit travail maçonnique censé inspirer un F.: pour son travail de passage au 18ème degré, Rose+Croix Chevalier du Pélican, du R.:E.:A.:A.: sur le thème donné en titre.
L'intérieur de la Terre qu'il convient de visiter, pointe vers l'Hadès antique, le dieu du monde souterrain de l'après-mort, époux de Perséphone qui, comme le phénix, renait chaque année au printemps afin que les grains germent et nourrissent les hommes.
Dans ce monde souterrain où Hadès a pour mission d'empêcher les morts de revenir sur Terre, le nautonier ou nocher Charon, fils de Ténèbre et de Nuit, moyennant l'aumône d'une pièce d'or que le défunt emporte dans sa bouche, fait passer l'âme de l'autre côté du Styx. Mais, de cet autre côté, Cerbère, le chien aux trois têtes, veille afin d'empêcher les âmes de revenir en arrière.
La formule alchimique invite donc l'impétrant à visiter le domaine de la mort et à questionner cette mort tellement omniprésente dans les cauchemars et angoisses humains.
Quand tu dis "je meurs", qui meurt ? Qui est ce "je" qui est censé mourir ? Ce "je" ne meurt-il pas à chaque instant ?
En questionnant la mort, l'invite stipule qu'il faut "rectifier" c'est-à-dire, étymologiquement, "faire droit, rendre droit", "mettre d'équerre" donc. Mais qu'y a-t-il donc à rectifier ainsi sinon, précisément, la vision vulgaire de la mort comme fin de la Vie ? Rectifions : la mort n'est-elle pas que le symétrique de la naissance, sa réponse naturelle, en somme ? Mais la Vie, elle, n'est-elle pas cet immense fleuve cosmique immortel et éternel qui ignore la mort comme l'océan ignore le mouvement des vagues qui naissent et meurent à sa surface ? Ma mort n'est pas la fin de la Vie puisque la Vie ne finit jamais, puisque l'immortalité est consubstantielle à la Vie. Trouver la Vie au-delà des morts et des naissances, voilà la pierre cachée …
L'immortalité est toute déjà là, ici et maintenant, dans l'éternité de chaque instant. "Je" nais et meurt à chaque instant.
Quand tu dis "je nais", qui nait ? Qui est ce "je" qui est censé naître ?
La naissance et la mort ne sont que des moments conventionnels, arbitrairement et artificiellement définis comme césure dans un continuum qui n'en possède aucune, qui est une tunique sans couture, qui la Vie.
Ce "je" qui prétend naître et mourir, n'a ni commencement ni fin. Il n'est qu'un nom jeté par hasard à un avatar d'un immense phylum vivant qui, tel un fleuve qui descend de la montagne par la vallée vers l'océan, descend les pentes de l'histoire cosmique depuis l'éternité et pour l'éternité.
Au-delà des naissances et des morts, l'initié a trouvé la Vie éternelle, ici et maintenant. Hiram est ressuscité. Il est passé de l'autre côté. Il a quitté l'existence pour rejoindre la Vie. Il a quitté l'apparence et l'illusion pour vivre la Vie réelle et définitive.
Le problème existentiel se clôt ainsi. Mais il demeure un problème essentiel : où va le fleuve de la Vie ? Vers quoi tendent tous ces phyla de Vie qui traverse les vallées de l'histoire et dont ce "je" illusoire n'est qu'une bulle passagère ?
Autrement dit, quelle est cette Promesse qui scelle l'Alliance ? Longtemps encore le monde vulgaire et profane croira que la promesse est celle de la Vie éternelle. Mais cette croyance n'est qu'idolâtrie puisque la Vie éternelle, l'initié le sait, n'est pas une Promesse mais un fait patent, ici et maintenant.
Quelle est cette Gloire du G.:A.: de l'U.: qui habitera le Temple lorsque celui-ci sera achevé ?
Voilà l'Idée qui est au centre du cœur de la Pierre cachée …
Leibniz demandait : "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?". L'initié va plus loin encore et demande : "pourquoi y a-t-il transmutation perpétuelle plutôt que repos éternel ?".
Quel est ce moteur cosmique qui fait que tout est mouvement, transformation, changement et processus ? Lao-Tseu parlait de Tao. Aristote parlait d'un moteur immobile … Mais il faut lui donner un autre nom. Les profanes parlent de "hasard", mais l'initié, lui, sait qu'il doit parler d'Intention.
L'Idée d'Intention est centrale. D'elle sourd tout ce qui existe, d'elle naissent et meurent tous les phénomènes, toutes les existences, toutes les naissances et toutes les morts.
L'Intention n'est en somme que le symétrique de la Promesse puisque la Promesse est de réaliser l'Intention et que l'Intention est de réaliser la Promesse.
Quelle est donc cette Intention originelle et fondatrice dont tout est issu ? En elle se fonde toute spiritualité. Elle est spirituelle, donc, elle est esprit, elle est l'Esprit, bien en amont de toute matière, de toute vie, de toute pensée. Elle est l'Esprit dont tout est issu. Elle est le Logos.
Et, par la spiritualité qu'elle fonde et qui, à son tour, fonde toute démarche initiatique et toute ascèse mystique, l'Intention qui est Esprit établit un spiritualisme transcendantal aussi opposé à tout matérialisme qu'à tout idéalisme.
C'est l'Esprit qui relie l'Intention et la Promesse puisque cet Esprit immanent a l'intention et fait la promesse de s'accomplir pleinement. Et toute l'histoire cosmique n'est plus alors que l'histoire de cet accomplissement en plénitude de l'Esprit. Par là, tout prend sens. Par là l'homme initié sait qu'il est justifié pour autant qu'il contribue à cet accomplissement cosmique qui est aussi son accomplissement à lui.
Et tout cela fonde un éthique qui donne sens et valeur à l'existence humaine : accomplir tout l'accomplissable en soi et autour de soi selon le Logos de l'Esprit.
Marc Halévy, le 05/05/2010