Réhabilitation de la métaphysique
La fonction de la métaphysique est de dépasser la temporalité c'est-à-dire la relativité et l'historicité des "vérités", pour atteindre non pas l'atemporalité (puisque tout ce qui existe évolue avec le temps et jamais hors de sa logique et de sa continuité), mais bien l'intemporalité c'est-à-dire ce dont émerge tout ce qui existe, y compris le temps même, c'est-à-dire, non pas l'être du Réel qui n'en a pas, mais la logique profonde (la Loi) du Réel qui n'en a qu'une : la Vie.
Le Réel, la Vie et la Loi sont des intemporels inamovibles dont le temps lui-même - et l'histoire qui en découle - n'est qu'une émergence seconde.
Le relativisme que la modernité exacerbe dès le 18ème siècle (Kant en est le parangon, suivi par les critiques de Hegel comme Kierkegaard), est le fruit d'un subjectivisme et d'un historicisme radical qui rejettent toute possibilité d'une métaphysique donc d'une intemporalité, et qui triompheront dans le positivisme du 19ème siècle et dans le nihilisme du 20ème. Pour eux, le temps (historique et subjectif) est premier, au contraire de ce que démontrera Bergson.
De nos jours, depuis Heidegger surtout, la métaphysique et l'intemporalité reprennent leurs droits et relativisent la portée du … relativisme en montrant, avec force, que ce relativisme est le nihilisme et porte la responsabilité des catastrophes politiques, économiques, écologiques, sociétales, artistiques, techniques et culturelles que nous vivons.
La métaphysique remet d'édifice d'aplomb en affirmant que l'histoire du monde est le fruit d'une Logique qui n'a rien d'historiciste et qui est intemporelle.
Si tout est n'importe quoi, alors n'importe quoi peut prétendre être tout : c'est cela le fondement vicié et vicieux de toute idéologie et de toute puissance idéologique.
Il est, à ce titre, piquant de constater que le "tout est relatif" que l'on prête à Einstein, est très précisément l'antithèse de la théorie de la relativité qui affirme l'absoluité des Lois de la Nature quel que soit l'état particulier de l'observateur qui les étudie.
La métaphysique, en paraphrasant Aristote (pour qui la métaphysique était "la science de l'Être en tant qu'Être"), est l'étude du Réel en tant que Réel.
Elle est la recherche de son essence intemporelle qui n'est pas l'Être, puisque le Réel est absolument un Devenir, mais précisément la logique de ce Devenir.
Le Réel évolue sans devoir cette évolution ni au hasard, ni à un quelconque démiurge. Le moteur du Devenir du Réel lui est totalement immanent et intrinsèque.
C'est précisément ce moteur que la métaphysique s'est fixé pour tâche de formuler.
Marc Halévy, 2 septembre 2017