Ordre social et mutation paradigmatique.
Ce qui pourrait paraître paradoxal à nos yeux contemporains, c'est qu'alors, on traitait de "socialistes" les contre-révolutionnaires c'est-à-dire les partisans du conservatisme et du conformisme, les nostalgiques de l'ordre social ancien, opposés aux libertés individuelles.
Mais à bien y réfléchir, l'essence même du socialisme est d'imposer un ordre social inamovible, basé sur l'étatisme, l'égalitarisme et le solidarisme. Il suffit d'observer l'importance des "droits acquis" et des "conquêtes sociales" (pour l'éternité) dans le discours idéologique des syndicats et partis dits "de gauche" et "d'extrême gauche".
Le socialisme n'est absolument pas d'essence révolutionnaire malgré qu'on a pu le caricaturer ainsi dans les années 1960, 1970 et 1980 ; il n'a de cesse que d'établir son ordre social et de ne plus en changer.
Si l'on veut bien voir que toute idéologie est un moule préfabriqué dans lequel on veut à tout prix faire entrer la réalité sociétale, a lors, le meilleure définition du libéralisme est d'être un anti-idéologisme radical.
Ainsi, la seule doctrine réellement révolutionnaire, parce qu'elle est précisément anti-idéologique et éternellement vivante, c'est le libéralisme. Le libéralisme, c'est même la "révolution permanente", le refus de tout ordre social figé. Le libéralisme est un constructivisme sociétal par adaptation permanente aux opportunités et dangers réels, le plus souvent imprévus parce qu'imprévisibles.
Toute idéologie, parce qu'elle est un moule rigide préfabriqué, est une entrave grave, parfois létale, aux capacités d'adaptation humaine.
Toute l'histoire humaine est une succession de paradigmes socioéconomiques ayant, chacun, une durée de vie moyenne d'environ 550 ans. Il semble dès lors clair qu'un paradigme, une fois bien établi, va engendrer un ordre social stable, bien à lui, encadré et piloté par des institutions de pouvoir (par exemple, l'ordre social de la modernité fut celui du bourgeoisisme, dont le socialisme n'est qu'une version dégénérée : celle du droit pour tous de s'embourgeoiser).
En revanche, les périodes de transition d'un paradigme au suivant (comme celle que nous vivons aujourd'hui), doivent être un moment de puissant libéralisme pour "inventer" et "construire" le nouveau paradigme au-delà de l'ancien, à la fois contre les idéologies nostalgiques ET contre les idéologies utopiques.
Aujourd'hui, le trouble profond engendré par la mutation paradigmatique, se traduit dans deux tendances irréversibles : le rejet des idéologies nostalgiques et l'effondrement des partis dits traditionnels (conservateur, républicain, socialiste, communiste, écologiste, …) ; l'émergence de mouvances utopiques violentes sous la forme des populismes victimaires. Si l'on veut une suite à l'histoire humaine, dans un nouveau paradigme bien adapté aux nouvelles conditions technologiques, écologiques, continentalisées et définanciarisées, il faut combattre tous ces populismes sans pitié, et libérer les intelligences et les énergies.
Marc Halévy Le 24/02/2019