Le Triangle Philosophique
Un petit schéma vaut mieux que de longs discours !
La définition d'un triangle philosophique : le Moi, le Monde et le Divin, suffit pour exprimer toutes les écoles métaphysiques. Il convient de tracer le diagramme de Venn de ces trois ensembles, en toute généralité, et de déclarer tel ou tel secteur "plein" ou "vide" pour aboutir à la conclusion qu'il n'y a que sept questions métaphysiques fondamentales possibles dont les réponses peuvent être combinées …
- Le Moi est-il Réel par lui-même ?
- Le Monde est-il Réel par lui-même ?
- Le Divin est-il Réel par lui-même ?
- Le Moi et le Monde ont-ils du Réel commun ?
- Le Moi et le Divin ont-ils du Réel commun ?
- Le Monde et le Divin ont-ils du Réel commun ?
- Le Moi, le Monde et le Divin ne forment-ils qu'un seul et même Réel ?
Les monothéismes chrétiens ou musulmans, par exemple, peuvent envisager, selon les doctrines, des réponses positives aux six premières questions, mais interdisent clairement (sous peine d'athéisme - cfr. Spinoza) de répondre affirmativement à la septième question.
En répondant affirmativement à cette septième question, mais en éliminant les six autres, on entre dans le monisme absolu et radical des mystiques hénologiques comme celle d'un Shankara, par exemple : tous les secteurs du diagramme sont vides, sauf le septième. Cette doctrine peut connaître une variante (celle de Spinoza, par exemple) qui donne une réalité profonde au septième secteur, mais aussi au troisième secteur qui affirme un Divin transcendant qui existe par lui-même, mais qui n'est pas réductible à l'unité du Tout qui n'est que sa manifestation.
Descartes exclut, bien sûr, le septième secteur, mais il affirme la réalité des quatrième (le corps) et cinquième (l'âme) secteurs : l'âme de l'homme participe de l'univers divin, mais elle est totalement étrangère à l'univers mondain auquel le corps appartient totalement. Ainsi, le premier secteur est totalement vide : le Moi n'existe pas par lui-même car il n'est que la juxtaposition d'un corps mondain et d'une âme divine. Kant (et toutes les philosophies du Sujet) suivra une voie semblable en affirmant la totale étanchéité entre le sujet (l'âme du Moi) et l'objet (le Monde).
Le solipsisme de Berkeley ne donne de réalité qu'aux seuls quatre secteurs du Moi. Les secteurs 2, 3 et 6 y sont déclarés totalement vides. Fichte et sa théorie du Moi n'est pas loin. En affirmant le liberté absolue du Moi mais en vidant le Divin, les existentialismes athées dont relève Sartre, ne donnent de réalité qu'aux premier et quatrième secteurs.
La position athée radicale, nie quelque contenu que ce soit à l'ensemble du Divin (secteurs 3, 5, 6 et 7) et ne laisse, ainsi, au Réel qu'un Moi et un Monde qui existent par eux-mêmes (secteurs 1 et 2), ainsi qu'un ensemble d'interactions entre eux (secteur 4). La variante matérialiste va jusqu'à éliminer aussi la part du Moi qui n'existerait pas par elle-même, ne conservant que le Monde dont le Moi ne serait qu'une manifestation.
Ma position personnelle (panenthéiste) est que les premier, deuxième et quatrième secteurs sont totalement vides (dont en opposition radicale et totale avec l'athéisme) ; il reste alors trois affirmations :
- Seul le Divin existe par lui-même.
- Le Divin se manifeste par le Moi, par le Monde, par l'Unité du Tout
- Le Divin possède une part de Réel qui n'appartient pas à la manifestation (c'est l'Intention qui est antérieure à toute manifestation).
On peut encore imaginer beaucoup d'autres combinaisons à partir de ce schéma tout simple. C'est ce qui alimente la méditation métaphysique depuis Thalès de Milet.