Expertise & Prospective dans le monde réel

Samedi 08 novembre 2025

Les dérives du monde actuel ...

 Que constate-t-on partout, dans tous les pays, dans toutes les obédiences, sauf rares exceptions ? Une baisse des recrutements maçonniques et une baisse de l'assiduité maçonnique.

Ce phénomène est loin d'être propre à la Franc-maçonnerie. Au contraire, oserait dire le prospectiviste que je suis : ... C'est un phénomène global de société d'autant plus marqué que l'on descend dans l'échelle des âges.

 Deux constats, donc :

  1.  on s'engage de moins en moins dans la durée (on est dans l'instant, dans le zapping, dans une forme de libertarisme nombriliste refusant toute forme de contrainte) ;
  2. on cherche le plaisir, l'amusement et le spectacle plus que l'effort et le travail.

 Non-engagement et non-implication sont les deux faces complémentaires d'une même vision du monde : j'en suis le spectateur (non-implication) et je n'en suis pas l'acteur (non-engagement).

Egotisme, individualisme, nombrilisme, appelez cela comme vous voudrez, mais ce narcissisme stérile et arrogant forge le monde d'aujourd'hui.

 Imaginons ce que deviendrait la Franc-maçonnerie au travers de ce regard-là : je vais en Loge, quand cela m'arrange, assister à un spectacle, fort bien scénarisé, qui me met en scène par des cérémonies, des décors, des grades, des rôles, des "planches", des relations chaleureuses et sympathiques où tout flatte mon ego.

Bien sûr, on me fait prêter des serments, mais ce ne sont que des mots qui font partie du script du spectacle.

La vie de ma Loge n'est alors plus qu'un passe-temps sympathique ... quand j'en ai le temps ... De toutes les façons, il y en a d'autres qui feront ce qui est nécessaire pour que tourne la "boutique" ... parce que partout, dans toutes les communautés humaines, il y a toujours des "guignols qui y croient" ... et c'est tant mieux.

 Bien sûr, je force le trait. Bien sûr le surjoue la caricature. Mais ... Regardons-nous bien en face dans le miroir que nous tend la réalité : combien de recrutement ces dix dernières années ? quel taux d'absentéisme ces dix dernières années ?

 Pagayer à contre-courant ...

 Encore une fois, la question centrale est celle de l'Intentionnalité : pour-quoi (en deux mots) suis-je devenu et resté Franc-maçon ?

Par orgueil pour faire partie d'une élite très sélective ?

Par plaisir d'avoir une occupation extra-familiale et extra-professionnelle qui "change de l'ordinaire" ?

Par curiosité envers une communauté hors norme qui véhicule des pratiques, dites "initiatiques et rituelles", totalement originales ?

Par besoin d'appartenir à une communauté fraternelle soudée qui rassure en ces temps d'insécurité psychosociale ?

Cessons là cette litanie de motivations presqu'injurieuses !

Pour-quoi entrer en Franc-maçonnerie ?

 Pour refonder une spiritualité.

 La spiritualité se fonde sur trois évidences et pose trois questions.

Les trois évidences :

  1. Le Réel est tout ce qui existe.
  2. Les humains perçoivent et conçoivent le Réel au travers de leurs facultés mentales (sensibilité sensitive et intuitive, intelligence structurante et créative).
  3. La représentation du Réel qui en sort, est forcément partielle et partiale puisque contrainte par les limites desdites facultés mentales humaines.

 Les trois questions :

1.     Le Réel possède-t-il des principes intrinsèques de réalité (cohérence, intention, substance, ou autres) qui soient indépendants du regard humain, ces principes éventuels constituant le plan cosmosophique (sacral) du Réel "en-soi" ?

2.    Si la réponse est affirmative, existe-t-il une ou de passerelles entre le plan humain et le plan cosmosophique (autrement dit, l'humain peut-il découvrir un chemin pour passer outre les limites de ses facultés mentales, et entrer en reliance, en résonance ou en fusion avec le plan cosmosophique ?

3.    Si la réponse est, encore une fois, affirmative, existe-t-il des méthodes véridiques et fiables pour passer du plan humain (profane) au plan cosmosophique (sacral) ?

 Dès lors que la réponse aux deux premières questions ou à l'une des deux, est négative, la possibilité d'une quelconque spiritualité s'effondre, et l'on reste prisonnier du champ de l'athéisme (question 1) et/ou de l'agnosticisme (question 2).

Dès lors que la réponse aux deux premières questions est positive, alors une démarche spirituelle (avec ou sans connotation religieuse) devient possible, soit en pionnier solitaire, soit au sein d'une tradition (initiatique, ascétique, religieuse ou autre).

 L'effondrement du paradigme moderne (et de son nihilisme) et de la civilisation de la Christianité (et de son dogmatisme antimystique), induit un renouveau de la quête spirituelle, souvent au-delà des traditions anciennes (mais pas nécessairement sans elles ou contre elles).

Une grosse vague de resacralisation (aspiration à retrouver le sacral au-delà de l'humain et de sa petitesse, au-delà de tous les humanismes et de tous les anthropocentrismes narcissiques et nombrilistes) et de respiritualisation (recherche d'une quête spirituelle) déferle un peu partout, sous diverses formes, avec des ampleurs variables. La Franc-maçonnerie est une de celles-là, en phase avec la culture occidentale !

 Une typologie spirituelle.

Pour refonder une spiritualité pour le troisième millénaire, il faut nécessairement distinguer quatre pôles opposés deux à deux : mystique et magique, ainsi que religieux et initiatique …

 L'esprit magique croit en une négociation permanente avec l'Invisible ; il croit aux miracles, à la providence, à la prière, aux sacrements, aux sacrifices, aux offrandes, …

L'esprit religieux croit en la révélation extérieure de l'Invisible ; il croit aux dogmes, aux cérémonies, à la communautarité, à l'obéissance et à l'observance, à l'efficience des croyances.

L'esprit mystique, lui, croit en une présence permanente de l'Invisible, en lui et autour de lui ; il croit en la possible divinisation de l'humain, au travers des indispensables respiritualisation et resacralisation de l'existence.

L'esprit initiatique, celle de la Franc-maçonnerie régulière, croit en la démarche intérieure vers l'Invisible ; il croit aux symboles et aux rites, à l'herméneutique des textes, paroles, postures, gestes, images et enseignements.

 Le chemin de l'intériorité.

 La seule vraie vie est toute intérieure. Elle seule importe. Prendre la Vie très au sérieux sans se prendre au sérieux. Si l'on éliminait tout ce dont on peut se passer, quel épurement de la Vie ce serait. Pour vivre "dehors", il faut d'abord vivre "dedans".

Il faut tout un univers intérieur, bien consistant et bien vivant, pour rayonner vers le monde extérieur sans jamais dépendre le lui. C'est à l'intérieur de soi que l'on s'accomplit, et nulle part ailleurs. Et cet accomplissement, tout intérieur, alimente un immense réservoir d'énergie vitale.

C'est, au contraire, l'abyssal vide intérieur de nos contemporains qui leur fait donner un poids hypertrophié, artificiel et illusoire à leur ego dans une socialité artificielle. Ce que l'on n'est pas capable de vivre au-dedans, on essaie de se le faire jouer au dehors.

Qui n'est pas habité, n'habite rien. Le prix de la liberté est l'intériorité. On n'est vraiment libre qu'à l'intérieur de soi. L'intériorité se partage peu. Elle n'est partageable qu'au sein d'un authentique Amour fusionnel. Tout le reste n'est qu'illusion sociale.

L'intériorité n'a aucun but - pas même la Joie ou le bonheur qui n'en sont que des conséquences. Elle est en soi cheminement autoréférentiel, sans autre volonté ni désir que de pleinement et noblement s'accomplir.

C'est l'intérieur qui nourrit l'extérieur et non l'inverse. Et l'intérieur doit être nourri de rites et de symboles, comme en Franc-maçonnerie.

Et tout cela n'a d'efficience qu'inscrit dans l'effort, le travail et la durée ; en ces matières, il n'y a pas de "baguette magique" capable du miracle instantané.

De la durée, du travail, de l'effort, de l'engagement, du long terme et de l'implication ! Il n'existe pas de raccourci !

 Respiritualisation.

Tout cela passe par la respiritualisation de l'espace humain. Qu'est-ce que cela signifie ? Cela indique que le grand rêve de la Modernité s'est avéré un cauchemar. Que l'humanisme de la Renaissance qui voulait la libération de l'homme par le progrès de l'humanité, a accouché du rationalisme de Descartes et de son injonction à soumettre la Nature aux caprices de l'homme. Que ce rationalisme a fait le lit du criticisme de Kant, parangon de cette soi-disant philosophie des "Lumières" et des navrants délires idéologiques d'un Rousseau, d'un Voltaire, d'un d'Alembert. Que ce criticisme a mené au scientisme et au positivisme d'un Comte c'est-à-dire au total désenchantement du Réel au profit du quantitatif, de l'industriel, de l'objectif, du calcul. Et que ce positivisme décharné, désenchanté, désabusé, désespéré, a naturellement abouti au nihilisme nombriliste et égotique du vingtième siècle, tellement bien annoncé par Nietzsche et son "dernier homme".

 *

 Je ne crois absolument pas une seule seconde à en une quelconque vie future de l'âme personnelle dans un autre monde.

En revanche, je crois en une Vie future et éternelle, éternellement en évolution et en accomplissement, celle de la Vitalité et de la Spiritualité impersonnelles et cosmiques (dont chacun incarne, manifeste et exprime, pour un temps, une infime parcelle).

Nous ne possédons pas une vie, mais la Vie nous possède et attend de chacun qu'il y accomplisse sa part, avec, pour seule "récompense", la Joie de vivre, au sens de Spinoza.

Site propulsé par Plone depuis 20 ans grâce à Netvaast