Autonomie libératrice contre aliénation confortable.
Tout être authentiquement humain est poussé, par l'Intentionnalité qui l'habite, à s'accomplir dans ses quatre dimensions : son corps (les besoins physiologiques et les plaisirs), son cœur (les besoins affectifs et les bonheurs), son esprit (ses besoins noologiques et les gnosies) et son âme (ses besoins spirituels et les joies).
La satisfaction de ces besoins a deux sources complémentaires : le monde extérieur et ses ressources extrinsèques, et le monde intérieur et ses ressources intrinsèques.
Du juste équilibre de ces deux mondes de ressources, naît l'autonomie de la personne ; leur déséquilibre s'appelle "aliénation" ou "esclavage" ou "dépendance", et induit des tensions négatives et destructrices liées aux limites des ressources intérieures et aux manques de ressources extérieures qui sont les deux versants d'une même souffrance de vie nommée "pauvreté" ou "misère".
La crainte de la pauvreté misérable a induit des systèmes socioéconomiques qui, au fond, quelle que soit la nature de la dimension humaine dont on parle, ont procédé en jouant sur l'acceptation d'une totale dépendance des personnes (dont un renoncement à toute forme d'autonomie) en échange d'une garantie "permanente" de satiété.
L'Eglise catholique a dit à ses fidèles : en échange de votre totale obéissance à mes décrets, je vous garantis la béatitude éternelle dans l'au-delà, après votre mort à ce monde démoniaque.
L'industrialisme et le mercantilisme, depuis près de deux siècles, disent aux consommateurs : en échange d'un minimum de travail et de votre totale soumission politique (à gauche comme à droite), la gouvernance socioéconomique promet et garantit une totale sécurité matérielle à chacun au moyen de toute une panoplie de gratuités (scolarité, santé, ...) et d'assistanats (chômage, pension de retraite, aides financières, ...).
Autrement dit, le système civilisationnel européen qui fonctionne depuis 1650 ans (donc depuis la chute de l'empire romain et la montée des messianismes d'abord religieux, puis idéologiques) et qui a été mondialement adopté, à quelques exceptions près, depuis quelques siècles, est entièrement construit sur l'aliénation des humains aux ressources extérieures (à tous les niveaux, du plus matériel au plus spirituel) en échange d'un confort artificiel de vie.
Mais ce système, aujourd'hui mondialisé (dont même les anti-occidentalistes ont abondamment profité depuis bien longtemps) est à bout de souffle : le besoin d'une autonomie alimentée aussi par nos ressources intérieures, commence à s'exprimer très clairement et très nettement dans beaucoup de sphères socioéconomiques et au travers d'organisations et de mouvements non pas individualistes ou anarchistes, mais bien plus profonds que ces petites démangeaisons simplistes.
Ce questionnement de l'aliénation massive de nos existences à nos extériorités est, aujourd'hui, exacerbé par la montée en puissance des technologies algorithmiques qui proposent (en apparence seulement car basées sur la collecte, la compilation, l'agrégation, l'extrapolation, la synthèse et l'imitation de travaux humains antérieurs, portées par une puissance colossale de mémorisation et de traitement des informations, aussi fausses et stupides soient-elles) de ne plus rien apprendre, de ne plus rien penser et de ne plus rien inventer et de laisser les "machines" résoudre tous les problèmes (en oubliant, bien entendu, que ces machines appartiennent à quelqu'un et sont programmées par quelqu'un).
Cette problématique très actuelle symbolise, mieux que toute autre, la fin d'une ère civilisationnelle (celle des messianismes) et annonce l'impérieuse nécessité, pour les humains, de se désaliéner (quelque inconfortable cela puisse-t-il sembler) et de se construire une nouvelle et réelle autonomie de vie, dans leurs différences et leurs complémentarités.
Cette autonomie dans la différence et les complémentarités porte un nom : la fraternité ; elle s'oppose à tous les égalitarismes qui, par essence, diabolisent la différence au nom de l'égalité.
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