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Que dire du Sacré ?

Le Sacré et le Profane …

Le Sacré et le Profane …

 

Le Profane est tout ce qui n'est pas Sacré. C'est une manière simple – et juste – de pouvoir se consacrer au Sacré seul.

Qu'est-ce que le Sacré ?

La question est pertinente, mais difficile car, longtemps, on l'a amalgamée, voire assimilée eu Divin … comme si les idées de Dieu ou des dieux étaient limpides par elles-mêmes et se suffisaient à elles-mêmes.

Aujourd'hui les idées de "Dieu" ou des "dieux" se sont dissoutes dans les pratiques religieuses et disparaissent avec elles.

 

C'est, tout au contraire, l'idée de "Sacré" qui pose question et, derrière elle, les idées de "Spiritualité" et de "pratiques spirituelles", loin, souvent, des vieilles idées de "Dieu" ou de "religion".

Les idées de "Dieu" et de "religion" étaient ancrées dans un corpus de croyances c'est-à-dire de "croire" en l'effectivité d'un récit et des pouvoirs supposés qui en découleraient.

Celles de Sacré" et de "Spiritualité, n'ont pas ces ancrages dans le "croire", mais bien dans le concept de "Foi", c'est-à-dire de "confiance", de "fiabilité" et de "fidélité" (trois mots qui dérivent de la racine latine "fidere" qui n'est pas "credere" et qui va du côté du "se fier à").

"Croire", c'est toujours croire ce que d'autres (personnes ou livres) disent.

"Se fier à", c'est plutôt se fier à ce qui vibre au plus profond de ceux (plutôt rares) qui cherchent, non pas des réponses déjà construites, mais qui cherchent leur propre chemin vers une vie intérieure plus riche, plus profonde, plus féconde.

 

La Spiritualité recherche la réalité profonde du Réel (sa nature, sa profondeur, ses lois, ses évolutions) qui, dès lors, devient le Sacré : sacralisation et sacralité de la réalité du Réel qui fonde et contient tout ce qui existe, voilà le chemin et l'intention de la Spiritualité.

 

La Spiritualité est l'ensemble des chemins qui visent à faire entrer l'esprit humain en communion avec le Sacré suprême c'est-à-dire avec la réalité dernière et ultime du Réel.

Elle vise donc à la libération de l'humain de ses propres limites jusqu'à atteindre l'Illimité et à s'y fondre de plus en plus profondément (c'est cela ce que certains appellent la Sanctification), de plus en plus définitivement (c'est cela que certains appellent l'Immortalité).

 

La Spiritualité permet de passer d'un regard anthropocentrique à un regard cosmocentrique.

La partie (infime, fragile, éphémère, limitée, égocentrée, orgueilleuse, prétentieuse, …) peut alors se quitter (sortir de la gangue)  pour rejoindre, pas à pas, le Tout.

Passer de l'analytique à l'holistique.

Tous les problèmes des humains – aussi infimes ou immenses soient-ils -  ne peuvent être résolus, valablement et durablement, qu'en harmonie profonde avec la réalité du Réel ; avec les lois et leurs modalités.

 

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Deux visions du monde …

 

Toute la science moderne d'Aristote à Einstein est construite sur l'idée d'un espace vide et uniforme, évoluant dans un temps vide et uniforme où des objets, plus ou moins solides (en ce compris les humains, les tribus, les peuples et l'humanité) interagissent entre eux selon des lois quasi mécaniques, assez prévisibles et rudimentaires, mais ne poursuivent aucun autre but que de faire face aux hasards des rencontres fortuites.

 

Depuis, la vision du monde a radicalement changé. Il n'y a plus d'objets interagissant entre eux, mais bien des processus interférant entre eux, guidés par une intentionnalité globale qui est d'atteindre, le plus optimalement possible, l'état de meilleur accomplissement tant pour soi que pour l'autour de soi.

De plus, l'espace et le temps ne sont plus des contenants fixes, donnés a priori, mais des productions idoines qui permettent à ces accomplissements de s'y réaliser.

 

Il ne faut plus voir l'univers comme une collection d'objets qui s'assemblent plus ou moins harmonieusement (et parfois violemment), mais comme un tissu de processus malléables visant, ensemble, le meilleur accomplissement possible tant pour soi (accomplissement interne) que pour le Tout incluant tous les autres processus (accomplissement externe).

Autonomie et complémentarité ne s'y opposent plus : l'une implique l'autre.

 

De statique, mécanique, analytique, réductionniste, l'univers est maintenant perçu comme dynamique, organique, holistique et globaliste.

Les objets n'existent plus et le vide non plus  ; le Tout n'est qu'un enchevêtrement unique, unitaire et unitif de processus entremêlés en quête d'accomplissement à la fois global et personnel.

Le Réel n'est plus un assemblage d'entités égoïstes et autocentrées interagissant entre elles selon des lois données a-priori, sans raison particulière. Dans cette nouvelle vision, le Réel est enfin perçu, reçu et vécu comme une unité organique animée par une intention d'accomplissement tant particulier que général, ordonnée par des règles de cohérence et évoluant globalement et spécifiquement de la façon la plus optimale possible.
L'univers, d'inerte, est devenu vivant.

 

L'humain ne peut plus jamais être considéré (se considérer) comme hors du monde, comme face au monde, comme étranger au monde et d'une autre nature et facture que lui.

Ce dualisme ontologique, on le trouve pourtant tout au long de l'histoire de la pensée de Platon à Descartes . il est le fondement même du christianisme (la dualité du corps et de l'âme, le salut de l'âme dans un "autre" monde, la haine du corps et ses "fautes", le rejet voire le dégoût de la "chair", …).

De tout cela, il faut sortir d'urgence : le monde est un, unique, unitaire et unitif (il n'existe donc aucun autre monde ni parallèle – sotériologique – ni ultérieur -eschatologique).

L'humain participe totalement, entièrement et globalement du et au Réel (le monde) qui est Un, et que l'on peut – si ce mot parle à certains – appeler "Dieu".

L'équation simple : "Tout = Réel = Un = Dieu" peut être établie une bonne fois pour toutes. Et ce Réel est, non seulement unitaire et unique, mais vivant et organique, en évolution permanente vers toujours plus d'accomplissement de lui-même.

Et l'humain, tant individuellement que collectivement, en est totalement partie intégrante : il en est un processus évolutif comme tous les autres au service de l'Accomplissement du Tout-Un-Dieu-Réel, selon ses propres caractéristiques, ses propres capacités, ses propres talents, ses propres aspirations, sa propre nature.

 

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Monisme et dualisme

 

Au fond, on pourrait avoir l'audace de poser deux synonymies …

 

La première : toute religion est forcément dualiste et tout dualisme est forcément religieux. Il y a soi et, en  face, il y a l'Autre défini comme celui qui est censé "sauver" ou "détruire" ce soi selon le respect des croyances qu'il impose. Tout y est antagonisme quelques fois religieux (Dieu et l'homme, l'âme et le corps) et quelques fois idéologiques (l'ami et l'ennemi, le vrai et le faux).

 

La seconde : toute spiritualité est forcément moniste et tout monisme est forcément spiritualiste. Il y a le soi illusoire, porteur d'une mission, et il y a le Réel dont ce soi participe pleinement et qui attend de lui qu'il accomplisse sa mission. Là, il n'y a ni récompense, ni punition, il y a assomption – ou pas – de sa propre mission au service du Réel, c'est-à-dire d'aller au bout de l'accomplissement de soi et de l'autour de soi.

 

Sans doute est-ce là aussi que l'on trouvera la fondamentale différence entre "la liberté" permise ou offerte par l'Autre, et "l'autonomie" décidée et construite par soi.

 

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Retour au Sacré …

 

Parlons net : le Sacré, c'est l'Unité du Réel.

Tout ce qui sépare, désacralise.

Le Réel est Un ; il est un organisme vivant unique (il n'y en a donc pas d'autres que lui et il n'y a donc pas "d'autres mondes"), unitaire (il est cohérent c'est-à-dire ordonné, doté d'une logicité, de règles et de lois qui rendent son évolution intelligente et accomplissante) et unitif (il est cohésif et donc unit et tient ensemble tout ce qu'il contient, donc tout ce qui existe puisque rien n'existe hors de lui). C'est cette Unité foncière qui rend tout ce qui existe solidaire (même si cette solidarité n'exclut nullement des tensions, des différends, des antagonismes).

 

Ce sont cette unicité, cette cohérence et cette cohésion qui engendrent et nourrissent la sacralité du Réel.

Ce ne sont pas les parties qui sont, individuellement sacrées ; ce qui est sacré, c'est l'unité du Tout que la vie de ces parties constituent et permettent, qui, par elles, se sacralisent.

Ce qui est sacré, ce n'est pas la "partie" en elle-même, mais bien sa contribution à l'Unité du Tout qu'elles constituent. La partie en question ne se sacralise que par cette contribution.

 

Ainsi, aucune personne humaine n'est sacrée par elle-même, simplement du fait qu'elle est un humain (c'était la thèse de Kant) ; en revanche, chaque personne humaine se sacralise d'autant plus qu'elle contribue, à sa manière, à l'Unité et à l'accomplissement de l'Unité du Réel.

L'humain ne naît pas sacré, mais il peut le devenir au travers de ses œuvres. Tel est le fondement de l'éthique (le christianisme et d'autres parlaient de Sainteté). Les anciennes croyances parlaient de "bonté" et de "méchanceté" ; mais ces mots ont perdu de leur poids tant ils ont été réduits aux simples relations purement humaines.

Le problème humain n'est pas d'être seulement "bon" pour l'autre humain, mais d'être "Bon" pour le Tout, en ce compris l'autre humain si celui-ci le mérite (c'est-à-dire si celui-ci contribue, lui aussi, à l'accomplissement de l'Unité du Réel).

 

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