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Quels sont les fondements de la Franc-maçonnerie ?

En quelques pages, l'essentiel de la Franc-maçonnerie que je pratique assidument depuis près de cinquante ans …

Lorsque je parle de la Franc-maçonnerie, je parle exclusivement de la Franc-maçonnerie régulière (qui observe et respecte scrupuleusement la Règle des "Anciens Devoirs"), traditionnelle (qui préserve et transmet la Tradition vivante reçue des constructeurs de cathédrales) et universelle (puisqu'elle est pratiquée telle quelle dans tous les pays) ; et je ne parle pas des organisations pseudo-maçonniques de la "voie substituée" (cfr. Jean Baylot) telle qu'initialisée en France, sous le nom fallacieux de Grand Orient de France, par Napoléon Bonaparte pour en faire un instrument de pouvoir culturel (antispiritualiste) et politique (progressiste et humaniste, à la mode de la philosophie infantile et anthropocentrée des "Lumières"), telle qu'elle s'est propagée, ensuite, au gré des conquêtes et colonies françaises, et telle qu'elle a dérivé et dégénéré, de profanisation en profanisation, en dizaines et dizaines "d'obédiences", toutes plus fantaisistes les unes que les autres.

 

La Franc-maçonnerie (donc régulière, etc … cfr. ci-dessus) connaît deux grandes familles : la famille "écossaise" (qui prend racine dans les traditions des constructeurs d'édifices sacrés) et la famille "anglaise" (qui prend racine, à partir d'environ 1720, à Londres et alentour, portée par des non-opératifs en quête de libération et de paix spirituelles en pleine période de guerre des religions).

 

Je ne parlerai ici que de la Franc-maçonnerie "écossaise" qui connaît trois branches faîtières appelées "rites" (car chacune contient une séquence de rituels marquant la progression du Franc-maçon vers la Connaissance du Sacré et vers la communion avec lui). Ces trois rites sont, respectivement : le Rite Moderne (qui, comme son nom ne l'indique pas, est le plus ancien – ses plus anciennes traces écrites, remontent aux 17ème siècle - et qui, pour des raisons chauvines peu légitimes, est appelé aussi "rite français", surtout en France) , le Rite Ecossais Ancien et Accepté (qui dérive, en l'amplifiant, du Rite Moderne et s'élabore durant tout le 18ème siècle) et le Rite Ecossais Rectifié (qui en est une variante très christique, née en fin du 18ème siècle, d'un mouvement mystique allemand appelé "Stricte Observance Templière").

 

Je ne parlerai ici que de la Franc-maçonnerie régulière de Rite Ecossais Ancien et Accepté.

Ce Rite, comme tous les autres, se base sur trois grades dits "bleus" (du fait de la couleur de certains éléments du "décor" des Frères en Loge) : on est d'abord "reçu" en Loge d'Apprenti, puis l'on "passe" à celle des Compagnons, avant d'être "élevé" au grade de  Maître.

L'origine de ces trois "grades" est à chercher dans l'organisation médiévale des chantiers de la construction des édifices religieux.

 

Sur les chantiers réels anciens, certains manœuvres étaient repérés pour une habileté particulière et étaient alors pris en charge par des Compagnons chevronnés qui les prenaient "en Apprentissage" pour les former et les amener à la virtuosité dans l'usage des outils de la taille des pierres.

Une fois un certain niveau de virtuosité atteint et reconnu par tous les Compagnons, l'Apprenti était "fait" Compagnon lors d'une cérémonie spéciale, close par un serment solennel de Secret (ne pas divulguer les savoir-faire spécifiques de la corporation). Une fois Compagnon, l'ancien Apprenti faisait totalement partie de la Fraternité et l'on pouvait lui enseigner le cœur-même de la pratique des Compagnons : la Géométrie sacrée qui était l'art de "tracer" les plans pour la taille des pierres et pour leur appareillement.

Pour diriger le chantier, il fallait encore un Maître et des assistants appelés, entre autres "Surveillants", dûment choisis parmi les Compagnons les plus expérimentés.

 

Dans les Loges actuelles qui n'ont d'autres chantiers que la construction du Temple intérieur de chacun et de tous, les trois étapes de cette progression sont devenues, à la fois, symbolique et initiatique ; elles ont été préservées et consacrées par un rituel spécifique à chacun d'eux, rituel qui délivre à l'impétrant les pistes spirituelles successives de sa progression intérieure vers la Maîtrise accomplie.

 

Dans la Tradition "écossaise", la réception au grade d'Apprenti passe par quatre purifications spirituelles, respectivement, par la Terre, puis par l'Eau, puis par l'Air, puis, enfin, par le Feu (ce sont les quatre "éléments" de la  sagesse antique, repris par la tradition alchimique).

La purification par la Terre se réalise hors de la Loge, : l'impétrant est laissé seul dans une cellule fermée et souterraine appelée "Cabinet de Réflexion", où il doit écrire son "Testament philosophique" en répondant à quelques questions précises. Pour l'inspirer dans ce travail sur soi, ce Cabinet est décoré de nombreuses allusions symboliques à la mort (qui est libération de la profanité, apanage du monde des apparences et des illusions) et à la transformation ("alchimique") de soi au travers du Sel, du Soufre et du Mercure …

Ensuite de quoi, l'impétrant est conduit à la Loge où il est reçu les yeux bandés et "ni nu, ni vêtu" (mais en toute décence, bien entendu). Là il est purifié, symboliquement, par les trois éléments antiques restant : l'Eau, l'Air et le Feu, au cours de trois "voyages" au sein de la Loge.

Après ces "épreuves" et s'il le désire toujours, il est invité à prêter le serment de Secret sur la Bible surmontée d'un Compas et d'une Equerre, adoubé "Apprenti-maçon" par l'Epée flamboyante du Vénérable Maître de la Loge, revêtu du tablier blanc et d'une paire de gants blancs, et instruit de la nature et de l'usage des outils fondamentaux : le Ciseau, le Maillet, le Levier, le Niveau, la Perpendiculaire, … On lui révèle enfin les "Mots, Signes et Attouchements" qui lui permettront de se faire reconnaître comme Apprenti-maçon par d'autres Frères.

 

Au moins un an plus tard, s'il a fait preuve d'une irréprochable assiduité aux travaux de la Loge et s'il a présenté sa "Planche d'Augmentation de Salaire" (une conférence faisant le point sur les résultats de son parcours intérieur et fraternel), l'Apprenti est invité à passer au grade de Compagnon.

Ce rituel de passage est probablement le plus ancien et le plus beau qui soit.

L'enseignement de ce grade est centré sur l'idée de Géométrie sacrée et symbolisé par une Etoile pentagrammique et flamboyante, marquée, en son centre, de la lettre G (pour "Géométrie").

Les anciennes cérémonies de réception d'un nouveau Compagnon dans la confrérie corporative, faisait d'Euclide le père du Métier de bâtisseur puisque sans la géométrie il n'est guère possible ni de concevoir un édifice, ni d'en tracer les plans, tant d'ensemble que de détail.

C'est évidemment ici que d'autres outils prennent une place centrale ; l'Equerre, le Compas, la Règle et la Planche à tracer, …

Ici encore, l'aspirant Compagnon fait des voyages initiatiques avant de prêter son serment solennel : ne jamais révéler à quiconque les Secrets de la Géométrie sacrée. Il est alors "fait" Compagnon-maçon et est invité à porter son tablier d'une nouvelle manière. On lui révèle aussi d'autres "Mots, Signes et Attouchements" qui lui permettront de se faire reconnaître comme Compagnon-maçon par d'autres.

 

Une nouvelle année, au moins, se passe et, moyennant à une nouvelle "Planche d'Augmentation de Salaire" dûment appréciée, le Compagnon est considéré comme apte à être élevé au grade de Maître-maçon.

Le fil conducteur du rituel d'élévation à la Maîtrise est une légende de source biblique : celle de Maître Hiram, architecte du Temple de Jérusalem, sous les ordres du roi Salomon.

Cette légende – puisant son inspiration dans la livre biblique des Rois – attribue à Maître Hiram la réalisation, en airain, des Colonnes jouxtant les deux côtés de l'entrée du Temple, celle de la "Mer d'airain" où se purifiaient les lévites officiant dans le Temple, ainsi que d'autres ouvrages remarquables ornant, comme le voulait le plan initial de la Tente de la Rencontre (cfr. le livre biblique de l'Exode), le Parvis du Temple, son Saint et le Saint des Saints.

Mais la légende raconte aussi que Maître Hiram fut assassiné par trois "mauvais Compagnons" qui souhaitaient lui voler le mot secret des Maîtres et se faire passer pour tel. Mais Hiram ne révéla rien et fut assassiné. La légende devenant rituel, veut que le corps d'Hiram fût enseveli, mais qu'il fût aussi "relevé" et ramené à la vie : mourir à la vie de la profanité pour ressusciter dans la Vie de la Sacralité.

Le nouveau Maître, alors, prête son serment, reçoit au autre tablier mieux orné, est adoubé et reçoit les nouveaux "Mots, Signes et Attouchements" propres à son nouveau grade.

Par parenthèse, il est impératif d'être Maître-maçon pour avoir l'honneur d'assumer les fonctions d'officiant dans la Loge, en ce compris la fonction souveraine de Vénérable Maître de la Loge.

 

Tous les rites issus du vieux "Rite Moderne" se sont enrichis, durant les 18ème et 19ème siècles, de rituels complémentaires appelés, à tort, "hauts grades" (l'expression anglo-saxonne, pour les désigner, eût été plus favorable puisqu'elle les nomme les side degrees, les degrés collatéraux). En effet, ces "grades" ne sont en rien "supérieurs" à celui de Maître-maçon qui contient et exprime la plénitude de la Spiritualité maçonnique.

Ces soi-disant "hauts grades' (quelque magnifiques et riches puissent-ils être) se placent tous, dans le rituel d'élévation à la Maîtrise entre la mort au monde profane (symbolisée par l'assassinat de Maître Hiram)  et la renaissance dans le monde de la Sacralité absolue. Il est tout-à-fait possible d'atteindre cette plénitude spirituelle maçonnique, sans passer du tout par les "hauts grades" qui ne sont que des étapes intermédiaires au long de ce fabuleux cheminement vers l'atteinte de la Maîtrise sacrale et sacrée, vers cette renaissance spirituelle parfaitement accomplie.

 

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