Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Sur la piste de l'asocialité humaine.

Mon ami Edgar Morin, sans s'en rendre compte et par contre-pied, m'a mis sur une piste forte : l'humain est un animal asocial !

Dans son dernier livre "Réveillez-vous" – qui rappelle le "Engagez-vous" de Stéphane Hessel, un autre ancien résistant bien à gauche -, mon ami Edgar Morin prêche pour l'instauration d'un nouvel humanisme (forcément de gauche, donc anti-libéral) où les mots "universalisme", "convivialité", "partage", etc … sont des leitmotivs …

Mais où le concept-même de "l'humanisme" n'est jamais défini, comme s'il allait de soi … ce qui n'est pas le cas !

 

L'humanisme est le mot édulcoré qui désigne l'anthropocentrisme, l'humain comme but, centre et sommet de l'évolution de la vie sur Terre. Malgré leurs différences – bien réelles – et la bêtise agressive et cruelle des masses humaines, Edgar affirme que "Tous les hommes son frères", comme le proclamait Ghandi. La réalité est tout autre :l'humain est un animal asocial, tellement mal  fichu qu'il est obligé de s'allier (toujours dans un esprit de compétition et de concurrence inhérent à son asocialité) à d'autres humains, pas trop différents, mais plus ou moins soumis, pour survivre dans le monde de la vraie Vie sauvage et de développer avec eux des tactiques de domination et d'exploitation pour accaparer et accumuler, anticipativement, les ressources humaines et naturelles, dont il aura peut-être besoin demain.

 

A la différence des autres animaux ou végétaux, les humains possèdent un talent mental que ces autres n'ont pas : sa capacité d'anticipation liée à sa capacité de comprendre et de modéliser les évolutions des processus qui se déroulent en lui et autour de lui ; c'est cela que l'on appelle la pensée ou la "naissance de l'esprit" en l'humain.

 

Converti à un écologisme anticapitaliste (comme il se doit chez un auteur bien à gauche qui n'a toujours pas compris la différence essentielle qui existe, d'une part, entre l'économisme durable, le capitalisme entrepreneurial, le libéralisme autonomiste et, d'autre part, le financiarisme spéculatif) et à la limite de l'anti-scientifisme et de l'anti-technologisme (sauf pour étaler son ignorance thermodynamique en faisant l'apologie des éoliennes, du photovoltaïque et des autres fausses bonnes idées de l'énergétique alternative), il remet une couche de Terre-Patrie sur sa tartine égalitariste et droits-de-l'hommiste.

 

Je termine la lecture de ce livre - un peu bisounours - avec une question fondamentale mais rarement abordée (sauf par le Qohélèt-Ecclésiaste dans la Bible hébraïque) : celle de la foncière asocialité de la nature humaine qui essaie, par nécessité, de se persuader et d'élaborer des idéologies pour se faire croire qu'il est un animal social.

L'humain est un animal tellement asocial, mais tellement obligé, par ses faiblesses, de s'allier à d'autres humains pour survivre, que la place prise par ses élucubrations politiques, juridiques ou sociologiques dans l'histoire de sa pensée est énorme et prépondérante alors qu'elle est nulle chez les abeilles, les termites et autres babouins ou étourneaux.

 

Sur base de ce constat de la profonde asocialité humaine, d'une part, et de celui de l'indispensabilité d'alliances entre les humains pour satisfaire leurs appétits divers (parfois nobles, parfois vils), la question posée pointe vers celle-ci, aussi vieille que les premières communautés humaines : de quelles manières concevoir et organiser efficacement ces alliances tout en respectant au maximum la nature asociale (donc autonomiste et libertarienne) des êtres humains qui expriment leurs asocialités de mille manières différentes ?

 

L'humain, globalement, n'aime pas ses congénères et les perçoit bien plus comme des rivaux ou des dangers que comme des compagnons.

Mais bien sûr, au-delà de ces défiances et distances, la procréation et le couple s'imposent comme un problème à part ayant appelé des alliances d'un autre type.

 

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