Une méditation pour ce jour de Kippour ...
On ne le répètera jamais assez ...
La spiritualité judaïque n'est pas monothéiste ; elle est panenthéiste : Tout est Un et l'Un contient le Tout qui évolue pour enrichir l'unité de l'Un qui, le contient absolument.
L'océan est riche de multitudes de vagues, de courants, d'icebergs, ... mais il reste absolument Un.
C'est le christianisme qui a instauré et verrouillé un monothéisme qui, on fil du temps, est passé du mysticisme au dogmatisme. Ce monothéisme, sous sa forme dogmatique, a été hérité par l'islamisme et est fondé sur une pluralité de mondes de natures absolument distinctes : le monde humain n'y appartient nullement au monde divin, même s'il aurait été "créé" de toutes pièces par lui, mais hors de lui.
Le monothéisme est un dualisme ontique radical.
Par certains côtés, le judaïsme exilique, au travers de certains de ses études talmudiques et de ses travaux rabbiniques, s'est parfois éloigné de son panenthéisme originel (celui du lévitisme et du kabbalisme) pour se rapprocher du monothéisme du christianisme ambiant, largement dominant, et dont il devait se défendre, même théologiquement.
Aujourd'hui, le judaïsme est pluriel et s'étend sur une échelle spirituelle large qui va du panenthéisme le plus pur (celui de la kabbale) pour, à l'autre bout, frôler le monothéisme chez certains prétendus ultra-orthodoxes.
Et pour ne rien simplifier à la question, la très grande majorité des traductions bibliques sont clairement chrétiennes (monothéistes et dualistes, donc) mais les traductions rabbiniques les plus courantes s'inspirent trop des traductions chrétiennes et vont souvent dans un sens similaire.
L'exemple le plus frappant est le premier verset de la Genèse ...
En hébreu :
"B'Rèshit bara Elohim èt ha-Shamaym véèt ha-Eretz."
Et la traduction chrétienne commune et parfois rabbinique classique rend :
"Au commencement Dieu créa le Ciel et la Terre."
Alors que la traduction littérale au mot-à-mot dit :
"Dans un commencement Il engendra des déités avec le Ciel et avec la Terre."
On admettra sans trop de difficultés qu'il existe un monde (c'est le cas de le dire) entre ces deux traductions !!!
La notion métaphysique et mystique de l'Un est probablement l'une des plus ardues à s'approprier. Ce Un n'est pas le premier d'une série qui se poursuivrait en Deux, puis Trois, etc ... Il s'agit d'un Un non numérique mais ontologique. Ce Un qui reste Un quoiqu'il devienne et advienne ; cet Un contient le Tout qui est l'ensemble de tout ce qui existe , évolue, se transforme, germe, engendre, s'associe, etc ...
Encore une fois, la même métaphore parle d'elle-même : ce n'est pas parce que les vaguelettes à sa surface se multiplient, se combinent, naissent, meurent, se chevauchent, s'amplifient, s'annulent, etc ... que l'océan n'en demeure pas moins absolument et radicalement Un.
Une bipolarité (dynamique) entre la surface des vaguelettes et les profondeurs de l'océan n'implique aucunement une quelconque dualité (ontique).
Cela a des conséquences messianiques, sotériologiques et eschatologiques immenses : si le monde est Un, il n'a nul besoin d'être "sauvé" par ou dans un "autre" monde, puisqu'il n'y a pas d'autre monde.
L'Un est l'Un, et le restera éternellement avec tout ce qu'il engendre et contient, avec tout ce qui vit et meurt en lui, en contribuant, autant que faire se peut, à son accomplissement vers toujours plus d'Ordre et d'Harmonie, vers toujours plus de richesses architecturales et immatérielles.
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De mon ami Frank Lalou :
"Le lieu le plus sacré des Juifs n'est pas la synagogue, ... mais la table familiale."
La synagogue n'est pas un lieu sacré (comme, d'ailleurs, un Rabbin n'est pas un prêtre, mais un maître-enseignant, ...). Elle s'appelle, en hébreu : Beyt ha-Knéssèt : "maison de l'assemblée" c'est-à-dire la maison commune d'une communauté où l'on se retrouve, où les enfants apprennent la religion, où se déroulent des prières et des cérémonies collectives, qui possède ses usages et ses règles de bienséance, ses traditions aussi.
Mais elle n'est pas le lieu ni du Sacré, ni de la sacralisation qui, lui, est un lieu intérieur à chacun, qui est son propre Temple.
Au contraire de la plupart des autres traditions spirituelles et/ou religieuses, le Judaïsme est une spiritualité intériorisée, celle de l'étude et de la méditation.
Tout le reste : cérémonies, synagogues, prières, repas ritualisés, ... même la lecture de la Bible ou des autres grands monuments de la littérature spirituelle juive, n'en sont que des "stimulants", des "amplificateurs", des "énergisants", des "dopants", des "éperons", ... d'un colossal travail spirituel intérieur à accomplir.
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