Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Que vaut notre argent ?

Si les planches à billets fonctionnaient partout à fond sans tenir compte du travail réellement produit, l'abondance de monnaie serait équivalente à une gratuité généralisée. Où serait le problème ?

Si le genre humain était animé par une réelle éthique d'équité entre consommation et production, il n'y aurait, en théorie, aucun problème et l'on retrouverait, dans la vécu, les utopies socialistes du 19ème siècle : de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ; etc … il y a là mille variantes possibles.
La planche à billets est donc équivalente, en somme, à une économie de la gratuité de tout pour tous. Le principe n'est pas gênant du tout, pourvu que chacun produise du travail en proportion de ce qu'il consomme.
Le problème vient du fait que l'humain est un animal immoral qui, dès que possible,devient parasite ou charognard (aujourd'hui 100% des PIB européens sont produits par 15% de la population !).

Valeur de la monnaie

La monnaie, quelle qu'elle soit, n'a de valeur (valeur d'échange seulement, bien entendu, puisque l'argent n'a aucune valeur d'usage intrinsèque) qui si elle représente du travail réel. La planche à billets qui produit de la monnaie sans travail, produit de l'argent sans valeur.
La valeur d'une monnaie est proportionnelle à la valeur du travail (en quantité et en qualité) qui a été effectivement, réellement, produite.
Plus précisément, la valeur d'une monnaie est proportionnelle à la production nette totale de valeur d'usage qui, elle-même, est proportionnelle à la valeur totale, en quantité et en qualité, du travail produit.
La valeur de la monnaie d'une nation, à un moment donné cumule trois dimensions :
- La valeur du travail présent, produit à ce moment, par cette nation,
- Le solde éventuel du travail passé non totalement rémunéré (le travail "laissé pour compte", en somme),
- Le pari sur le travail futur, présumé mais virtuel (c'est la croyance en la potentialité d'une nation à poursuivre une croissance de production ou de productivité ; c'est la part spéculative qui inclut, plus ou moins explicitement, la promesse de valeur liée aux ressources naturelles et culturelles de la nation émettrice).

Aujourd'hui, le solde du travail non acté du passé a été épuisé depuis longtemps par l'Etat-providence, le travail effectif présent diminue en quantité et en qualité, mais les promesses et paris sur la "croissance" future tendent, avec l'énergie du désespoir, à compenser ces deux déficits. C'est là toute la genèse de la part immense de l'économie virtuelle dans l'économie mondiale : la valeur de nos monnaies dépend de la confiance que nous avons en le travail halluciné et hyper productif (et gratuit, puisque nous en dépensons déjà le fruit) de nos petits-enfants.

Marc Halévy (avril 2010)