Economie, finance et thermodynamique …
D'un côté, toutes les activités industrielles et artisanales reviennent in fine à de la transformation d'énergie ou, plus exactement, à de la production/concentration de néguentropie (de la forme, de l'information, de l'organisation, de l'ordre, etc …) au moyen de dégradations entropiques d'énergie stockée dans de la matière sous le forme de liaisons nucléaires ou chimiques.
De l'autre côté, la monnaie représente, initialement, de la valeur réelle c'est-à-dire, in fine, une densité de néguentropie rare par unité d'énergie (qui est la matière constituant le support de ladite néguentropie : le papier du livre, le plastique du DVD, le métal de la voiture).
Mais, au fil des temps modernes (et surtout depuis l'ouverture des Bourses à monsieur-tout-le-monde dans les années 1920), la notion de spéculation/jeu/boursicotage vint polluer ce rapport sain entre finance (la monnaie) et l'économie (la concentration de néguentropie rare). Concrètement, à la néguentropie réelle (la valeur économique réelle de la monnaie réelle) vint se surajouter la promesse d'une (donc le pari sur une-) concentration future de néguentropie rare ; et comme ces promesses purement virtuelles devinrent aussi des objets de commerce (elles se vendent et s'achètent, et contribuent donc aux chiffres d'affaire, aux revenus, aux déclarations fiscales et, en fin de course, aux PIB), elle influa sur la valeur de la monnaie : en effet, plus le PIB croît avec moins de consommation de matière-énergie, plus la monnaie locale se survalorise.
Le hic est que cette survalorisation est artificielle et ne correspond à aucune production/concentration de néguentropie réelle et donc n'implique aucune consommation de matière-énergie. La cas limite serait celui d'un pays où la production économique et artisanale réelle serait nulle, mais où les promesses que tout le monde croirait sur parole, seraient immenses : ce pays serait immensément riche (en monnaie financière), mais économiquement mort (c'est exactement le cas actuel des USA).
Mais, bien sûr, le raisonnement de l'économie virtuelle atteint très vite sa limite car la thermodynamique, encore elle, démontre que la concentration de valeur rare produit beaucoup plus d'entropie (de la dégradation énergétique) qu'elle ne produit de néguentropie - les rendements sont toujours inférieur à l'unité. Or, le stock d'énergie de haute qualité - cette énergie (pétrole, charbon, uranium, etc …) que l'on dégrade en énergie de faible qualité (fumées, effluents tièdes, pertes de rendement, fuites, etc …) pour produire et concentrer de la néguentropie - est limité et cette limite est en passe d'être atteinte. Cela signifie que, globalement, l'économie réelle va décroître (avec le stock d'énergie transformable) et que le maintient d'une "croissance" économique (des PIB) dépendra donc, de plus en plus, du marché des promesses et des spéculations (donc de l'économie virtuelle).
C'est cette voie absurde et illusoire que les USA ont choisi le 2 août courant en relevant le plafond de leur endettement (c'est-à-dire en acceptant de promettre encore plus et de faire croire à une impossible croissance pharamineuse future). Mais qui peut croire cela ? Personne. Donc, c'est le trésor américain qui prêtera aux USA via la planche à billets verts, comme c'est le cas depuis des décennies maintenant.
Les plans de rigueurs européens empruntent le chemin inverse, celui du renflouement des caisses publiques et privées par un effort sur l'économie réelle c'est-à-dire : soit en produisant plus (ce qui est impossible puisque cette production demande des stocks d'énergies et matières nobles qui se raréfient à toute vitesse), soit en consommant moins (ce qui est la voie choisie au niveau des Etats, aujourd'hui, et, inéluctablement, au niveau des entreprises et des ménages, tout de suite après).
Tout ceci montre qu'il n'y aura jamais de miracles économiques parce qu'il n'y a pas de miracle thermodynamique. Tous les ingénieurs savent qu'une machine, quelle qu'elle soit, consomme toujours plus qu'elle ne produit. Cela est vrai pour la turbine ou le moteur à explosions, cela est vrai pour le système économique. Parier sur la compensation de la décroissance réelle (impliquée nécessairement par la pénurie croissante des ressources naturelles) par une surcroissance virtuelle, aussi artificielle que fantasmagorique, est pure folie. C'est pourtant dans un tel monde que nous vivons depuis trente ans. Toute cette machinerie/machination ne peut qu'imploser dans les douze à vingt mois qui viennent.
Marc Halévy
Le 17/08/2011