Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Constat de dégénérescence

Faire le point à l'aube d'une nouvelle décennie …

En France …

Dans un excellent article du Point, Nicolas Baverez dresse, en quelques chiffres, l'état socioéconomique de la France en ce début de la troisième décennie du 21ème siècle :

  • "redistribution de 15% des transferts sociaux mondiaux à une population représentant 1% des habitants de la planète et ne générant que 3% de sa production",
  • "croissance potentielle inférieure à 1%",
  • "gains de productivité nuls",
  • "déficit structurel de sa balance des paiements de 2,5% du PIB",
  • "déficit structurel de ses finances publiques de 3,1% du PIB",
  • "décrochage de compétitivité (28ème rang sur 192), de richesse par habitant (30ème rang) et d'éducation (23ème rang sur 32 dans le classement PISA)",
  • "dette publique atteignant 2.415 milliards d'euros, soit 100,4% du PIB contre 86,4% pour la zone euro et 59,2% pour l'Allemagne",
  • "présence de 20.000 musulmans radicalisés sur le territoire".

La France est devenue, depuis 1981, le cancre abêti de la classe des économies développées. Elle est en voie de sous-développement. Et elle est minée, de l'intérieur, par des tumeurs nostalgiques ou cyniques du genre "gilets jaunes" ou CGT (qui reçoivent l'appui benêt et débile d'une bonne part de la population, comme expressions d'un mal-vivre confusément ressenti par les masses).

Plus généralement …

Tous les cinq cent cinquante ans, en moyenne, l'humanité vit un effondrement paradigmatique (assujettissement des cités grecques, fin de l'empire romain, déliquescence de l'empire carolingien, abolition de l'ordre féodal et, aujourd'hui, obsolescence du modèle moderniste).

Et, chaque fois, les masses ressentent que "leur" monde s'effondre. Face à ce sentiment confus, intuitif et instinctif d'effondrement, dont l'expression commune est une peur viscérale de "perdre" quelque chose de central, leurs réactions s'inscrivent toujours dans trois logiques qui ne s'excluent pas mutuellement :

  • l'aspiration à une "tyrannie" politique qui "rétablisse" l'ordre antérieur (c'est le socialo-populisme sous toutes ses formes, assorti de chasses aux sorcières et de désignations de boucs émissaires),
  • l'aspiration à un "miracle" théophanique qui puisse "sauver" le monde (c'est le mysticisme de la fuite dans les pseudo-spiritualités de type new-age ou écolomaniaque),
  • le déni de réalité (c'est le parasitisme démagogique qui cherche à "traire la vache tant qu'il y a du lait").

Le meilleur symptôme de cette "fin d'un monde", de cet effondrement paradigmatique et de cette lassitude de vivre, est le rejet, de plus en plus profond, du devoir d'autonomie, rejet qui est un signe indéniable majeur de déclin civilisationnel et de dégénérescence collective et sociétale.

La notion de "devoir d'autonomie" est bien autre chose que les soi-disant revendications de liberté. La liberté, chacun l'a, mais peu l'assument. L'idée du "devoir d'autonomie" est plutôt la mesure du taux de vitalité d'une population, de son niveau d'entrepreneuriat, de sa capacité créative, de son courage à assumer sa propre vie et de sa volonté de construire.

Ce "devoir d'autonomie" n'est plus du tout assumer par les masses, aujourd'hui ; elles se sont pelotonnées dans un cocon généralisé d'assistanats en tous genres. Elles ne veulent plus rien assumer et cherchent, désespérément, qui des "maîtres", qui des "esclaves", pour tout assumer à leur place.

 

Marc Halévy

Physicien, philosophe et prospectiviste

Le 19/01/2020