Tisserand de la compréhension du devenir
Conférencier, expert et auteur

Où en est l'humanité ?

Une philosophie de l'histoire humaine.

Prologue : Il faut dépasser Hegel …

 

Du temps biblique qui va, linéaire, de la Création à l'Apocalypse, au temps hégélien qui est dialectique, en passant par le temps cyclique des philosophes grecs, poétisé par Hésiode dans "Des travaux et des jours", le temps de l'histoire a toujours intrigué … et inspiré tous les "voyants" qu'ils soient prophètes, aruspices ou charlatans.

 

En réalité, le temps des humains est quadruple.

Il y a le temps immobile de ce qui ne change pas ou si peu, au point de passer inaperçu : manifestation subtile et ténue de l'intemporalité sous-jacente.

Il y a le temps linéaire de ce qui évolue inexorablement en suivant la flèche du temps, toujours dans le même sens : ainsi, sur notre Terre, l'évolution marche inexorablement de l'élémentarité à la complexité.

Il y a le temps cyclique des jours, des lunaisons, des années, des générations, des paradigmes, des civilisations, des ères …

Et il y a le temps chaotique des événements qui forment l'écume de l'histoire humaine.

 

C'est le temps cyclique qui forge l'histoire des humains et ses rythmes bien plus réguliers et récurrents qu'il n'y paraît. Les changements de cycles, tels que nous en vivons un actuellement, est une période chaotique, turbulente et tumultueuse, riche en peurs, en résistances, en innovations et en défis. Tous les demi-millénaires, environ, un tel basculement se produit … ainsi, en Europe : la fin des cités grecques, la chute de l'empire romain, l'éclatement de la christianité, la renaissance … et aujourd'hui qui ne porte pas encore de nom.

 

Première partie : La structure du temps humain. Une philosophie de l'histoire.

 

Le temps naturel sur la Terre est gigogne : les heures, les jours, les semaines, les lunaisons, les saisons, les années solaires, les cycles chromosphériques solaires, les glaciations, …

Le temps culturel de l'humanité l'est tout autant : le système humain, comme tous les systèmes complexes, connaît ce que les physiciens appellent des "fréquences propres" avec leurs harmoniques.

 

Tout ce qui vit, connaît une naissance, une croissance, une maturité, un déclin et une disparition. C'est vrai pour notre galaxie, pour cet arbre, pour mon existence personnelle, pour le paradigme socioculturel qui est encore le nôtre aujourd'hui et que l'on appelle encore "la modernité". Et ces durées de vie sont, pour chaque espèce, à peu près constantes et nommées espérance de vie moyenne. Elle est de 84 ans pour les personnes humaines … et elle est 567 ans (en moyenne, sans précision aucune évidemment) pour les cycle paradigmatiques.

 

On le montrera, le cycle de base de la vie humaine, tant personnelle que collective, est de sept ans. Et les cycles de vie, à toutes les échelles de temps, forment des groupes de trois : le premier qui va au bout de la découverte (le cycle du "génie"), le second qui va au bout de l'exaltation (le cycle de "folie") et le troisième qui va au bout de l'usure (le cycle de "catastrophe") … et ensuite un nouveau cycle de génie émerge pour relancer la dynamique sur un échelon supérieur de complexité.

 

L'histoire  humaine n'est pas déterministe. Elle se construit comme se construit un édifice, couches après couches. Mais l'on sait tous qu'un édifice, pour être solide, durable et splendide, doit obéir à certaines règles harmoniques qui rythment ses structures intimes pour lui donner consistance et cohérence.

Ce sont ces règles harmoniques qui seront étudiées dans cette première partie.

 

Deuxième partie : La logique de l'histoire de l'humanité.

 

L'histoire humaine est une concaténation et une imbrication de paradigmes; la première partie de l'ouvrage, ci-dessus, l'aura montré. Mais quelle est la logique globale qui anime l'évolution socio-culturelle et politico-économique de l'humanité. Existe-t-il une telle logique ou est-ce le hasard ou la folie des humains qui guident une éternelle fuite en avant. La suite des époques qui se suivent sans se ressembler, est-elle cohérente ? Y a-t-il une logique constructive dans l'histoire humaine ? Pourquoi cette humanité échapperait-elle à cette logique interne qui guide l'évolution de tous les processus complexes ? La physique de la complexité connaît bien les modèles pour comprendre "l'âme" (ce qui anime) de ces processus. L'histoire humaine n'y échappe pas.

 

Chaque époque se façonne, comme elle peut, avec ce qu'elle peut, en tentant de dissiper les tensions, naturelles et culturelles, qui manifestent les divergences entre ses cinq pôles (universels) constitutifs :

  • une généalogie : tout processus est accumulatif et constitue une mémoire ; tout est toujours la suite de ce qui a précédé, en continuité ou en rupture …
  • une téléologie : tout processus est animé par une intention, un projet, une vocation ; quand il construit un temple, l'architecte vise la réalisation d'une idée imaginée sur ce qu'il a vu et appris …
  • une écosystémie : tout processus ne peut se construire qu'en absorbant des territoires et des ressources qui sont hors de lui, qui lui sont extérieurs, avec lesquels il doit négocier des relations pacifiques et harmonieuses, respectueuses et équitables …
  • Une axiologie : tout processus doit se donner des règles, des méthodes, des modèles afin de rendre son évolution la plus optimale possible, dans le respect de soi et de l'autour de soi, avec intelligence et éthique …
  • Un métabolisme : tout processus se construit, jour après jour, poussé par les quatre pôles qui viennent d'être décrits ; il doit trouver son "meilleur chemin" vers son destin en développant les activités nécessaires et utiles à ce dessein …

Ces cinq moteurs constituent les piliers fondamentaux de ce que j'ai appelé le constructivisme historique.

 

Lorsqu'on applique ce modèle très général à l'histoire humaine, on comprend immédiatement les ruptures et défis qui sont les ferments terribles de notre époque chaotique : l'effacement de l'histoire (et se réinvention fallacieuse) est en cours, le mythe du progrès est mort, l'épuisement écologique de la planète est patent, la science et l'éthique sont moquées et les activités sont partout en berne ou en délire …

Nous vivons la fin de plusieurs cycles d'ampleurs différentes, tant paradigmatiques que civilisationnelles !

 

Troisième partie : L'âge adulte de l'humanité.

 

Et c'est là, la grande chance de notre époque. Il faut faire son deuil du paradigme moderne et de la civilisation évangélique, … voire de l'ère scripturale qui a débuté il y a plus de cinq mille ans, car la révolution numérique n'est peut-être plus de l'ordre de l'écriture.

Oui, c'est là une grande chance qui arrive si rarement dans l'histoire humaine : la conjonction de trois aboutissements qui appellent un renouveau, un nouvel âge de l'humanité.

 

Il convient donc de s'atteler à reconstruire l'humanité sur un échelon supérieur de l'échelle de la complexité. C'est maintenant et c'est notre responsabilité. Dès lors qu'un processus arrive en fin de vie et que l'on entre en zone chaotique, il n'y a que deux issues possibles : l'effondrement et la "fin des temps" promise par les collapsologues, ou l'émergence, la sortie du chaos "par le haut" avec de nouveaux paradigmes qui doivent maintenant être fondés.

 

La civilisation antique avait découvert la pensée : c'était l'enfance curieuse et le cosmocentrisme.

La civilisation évangélique avait imaginé de multiples esquisses pour un monde et un homme nouveaux : c'était l'adolescence rêveuse et l'anthropocentrisme.

Une nouvelle civilisation doit émerger maintenant, sans rien renier de sa généalogie : ce sera la maturité sérieuse et le téléocentrisme.

Qu'est-ce que le téléocentrisme ? La volonté non plus de vénérer les forces du cosmos (cosmocentrisme) ou de tout ramener au salut/bonheur des humains (anthropocentrisme), mais bien celle de donner du sens et de la valeur à ce que l'humanité fera au service de ce qui la dépasse immensément, au service de la Vie et de l'Esprit.

 

Les temps du nombrilisme et du narcissisme (euphémiquement appelés "humanistes") sont révolus : il est temps que les humains donne sens et valeur à l'humanité qui, au fond, n'est qu'un surgeon local et éphémère des puissances de Vie et d'Esprit qui animent le Réel.

 

Il faudra choisir ce qui, dans la généalogie humaine, doit être réactivé (sans rien oublier).

Il faudra définir quelle téléologie mettre en avant : l'humanité au service de quoi ?

Il faudra redessiner les rapports entre les humains et le Réel autour d'eux (la Nature), et sortir des logiques de pillage et de saccage.

Il faudra reconstruire les rapports entre les humains et le Réel en eux (l'Ethique), et dépasser toutes les idéologies, tous les esclavages et toutes les idolâtries.

Il faudra enfin refonder tout le métabolisme global de l'humanité et relancer les économies, les technologies et les activités quotidiennes, au sein d'une mosaïque humaine qui fonctionnera de façon réticulée et fractale.

 

La perspective est incroyablement complexe, mais, au fond, il n'y a rien de très compliqué là-dedans !

 

 Epilogue : Le monde en 2050.

 

En guise d'épilogue, un petit exercice de prospective. La paradigme moderne est en train de mourir. Nous sortirons, vraisemblablement, de la période chaotique entre 2025 et 2030 (la pandémie coronavirale a sans doute été un déclencheur puissant) et nous saurons, alors, si les collapsologues de l'effondrement avaient raison, ou si la prospective d'une émergence aura triomphé (ce dont je ne doute pas).

Si l'on se place dans ce second scénario, le seul qui soit positif et porteur d'avenir, la question posée est : comment fonctionnera le monde vers 2050, lorsque les gravats et la poussière de l'effondrement moderne seront retombés.

Exercice sans doute hallucinant et exaltant … !

 

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