Un monde de réseaux noétiques
Je pense que l'heure est venue de dépasser la notion de "communauté" au moyen de celle de "réseau".
L'histoire sociale humaine est passée, successivement, de l'idée de communauté à celle de société puis, aujourd'hui, à celle de réseau.
Un réseau est une communauté en ce sens qu'il se construit sur l'idée d'un patrimoine et/ou d'un projet communs (FaceBook n'est donc pas du tout un réseau, mais bien une plateforme) ; mais il s'en distingue par le fait que les liens qui unissent ses membres, sont largement dématérialisés. Une communauté est liée à un lieu physique ; le réseau ne l'est pas.
Cependant, tant l'idée de communauté que celle de réseau s'opposent au concept de "société" c'est-à-dire d'appartenance contractuelle (le "contrat social" de Hobbes repris par Rousseau, ou le "contrat d'emploi" en entreprise).
La société repose sur la notion d'échange contractualisé alors que la communauté et le réseau reposent sur la notion d'une intention commune.
Des concepts anciens tels que ceux, entre autres, de famille (au sens large) ou d'entreprise (au sens de projet entrepreneurial) doivent être reconceptualisés comme réseaux de vie et non plus seulement comme communauté de vie.
Pour faire simple – peut-être trop simple – un réseau, c'est une communauté plus de la dématérialisation.
Le monde noétique qui vient, sera une mosaïque de réseaux intriqués. Cette mosaïque évoluera sur une plateforme commune où tous les réseaux seront en contact, les uns avec les autres, au travers des multi-appartenances de leurs membres ; cette plate-forme, certainement continentale, aura la mission de réguler et de réglementer les relations entre les réseaux privés qui s'y déploieront (par exemple, exclure et neutraliser les réseaux dont l'intention est malsaine, violente, destructrice ou radicalisée).
Il faut en profiter, ici, pour faire l'essentielle distinction entre une plateforme et un réseau. Une plateforme n'a aucun autre but que de permettre des échanges ou des rencontres (c'est le cas de tous les si mal nommés "réseaux sociaux") ; alors qu'un vrai réseau a une "'âme" qui l'anime, une intention forte qui consiste, habituellement, à faire fructifier un patrimoine commun et/ou à faire s'accomplir un projet commun.
Un réseau noétique est un lieu réel (donc non virtuel) mais essentiellement immatériel dont les rencontres physiques ne seront pas exclues – loin de là dans certains cas -, mais où elles ne seront plus centrales.
Un réseau noétique est donc un lieu de rencontre d'esprits humains au service d'une intention commune ; un réseau noétique qui réussit, sera tel qu'il fera communier (du latin cum munire : "construire ensemble") des esprits séparés dans un Esprit commun semblable à un Egrégore (un joli mot de grec ancien, ressuscité par Victor Hugo, qu'il faut nettoyer de toutes ses acceptions "surnaturelles", "occultistes" ou "magiques").
Wikipédia donne une très bonne définition du mot "égrégore" : "Un égrégore est, un concept désignant un esprit de groupe constitué par l'agrégation des intentions, des énergies et des désirs de plusieurs individus unis dans un but bien défini". C'est bien cela la définition d'un réseau noétique.
Le monde noétique de demain sera donc un monde d'égrégores interagissants sur des plateformes continentales ("continent" doit ici être pris au sens historico-culturel au-delà du sens géographique).
Marc Halévy
Physicien, philosophe et prospectiviste
Le 02/11/2020